lle resiste a presque tous les remedes
qui agissent sur nous.
Le paysan de chez nous, ayant des habitations assez saines en general,
vivant en bon air, travaillant avec calme et ne manquant presque jamais
de son vin aigrelet et leger qu'il boit sans eau, serait dans les
meilleures conditions hygieniques s'il mangeait tous les jours un peu de
viande. Mais, lui qui fournit de boeufs gras les marches de Poissy, il
ne mange de la viande que les jours de fete. Beaucoup n'en mangent
jamais. Sa maigre soupe au beurre, son pain d'orge trop lourd, ses
legumes farineux, sont une nourriture insuffisante, et ses maladies
viennent toutes d'epuisement. Apres la fauchaille et la moisson, s'il
prend _les fievres_, il en a pour des mois entiers. Et alors, pour celui
qui n'a que ses bras, vient a grands pas la misere.
Les femmes ne connaissent guere le travail. Les enfants en sont mieux
soignes; mais le menage est aux abois quand le chef de la famille est au
lit ou pale et tremblotant sur le seuil de sa cabane. Jusqu'au mariage,
les filles sont pastoures ou servantes dans les metairies et dans les
villes. Des qu'elles ont une famille, elles ne quittent plus la maison,
elles font la soupe, filent, tricotent ou rapiecent. Tout cela se fait
si lentement et si mollement qu'il y a bien du temps perdu, et qu'on
regrette l'absence d'une industrie qui les occuperait et les
enrichirait un peu, sans les arracher a leurs occupations domestiques.
Jusqu'au mariage, elles sont assez pimpantes et coquettes; meme les plus
pauvres savent prendre un certain air les jours de fete. Elles sont
neanmoins douces et modestes, et, la ou le bourgeois n'a point passe,
les moeurs sont pures, et patriarcales. Mais le bourgeois, le vieux
bourgeois surtout, est l'ennemi de ces vertus rustiques. C'est triste a
dire, mais le proprietaire, celui qu'on appelle encore _le maitre_,
seduit a peu de _frais_ et impose le deshonneur aux familles par
l'interet et par la crainte.
Le mariage est la seule grande fete de la vie d'une paysanne. Il y a
encore ce genereux amour-propre qui consiste a faire manger la
subsistance d'une annee dans les trois jours de la noce. Cependant les
ceremonies etranges de cette solennite tendent a se perdre. J'ai vu
finir celle des _livrees_, qui se faisait la veille du mariage et qui
avait une couleur bien particuliere. Je l'ai racontee quelque part,
ainsi que celle du _chou_, qui se fait le lendemain de la noce; mais,
cette derniere etant e
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