t au village a grand regret.
Nous fimes encore deux lieues dans l'eau et les rochers, pour explorer
le cours du torrent qui descend au bas du village et qui lui donne son
nom.
C'est une toute petite gorge couverte de bois charmants et toute
herissee de rochers superbes. La marche est dure dans cette dechirure
tourmentee en zigzags; mais, a chaque pas, il y a un tableau delicieux
de fraicheur et de sauvagerie.
Nous fimes halte dans un joli moulin, ou la meuniere, aimable et
avenante, avec un air de candeur qui ne gatait rien, nous servit du lait
et du beurre exquis, pendant que nous bercions son nouveau-ne dans le
plus joli berceau rustique qui se puisse imaginer, une vraie petite
creche en bois, suspendue par deux anneaux a un double pied. Le marmot
est au ras de sa couche, mais protege par des lanieres de laine bleue
artistement agencees pour le retenir sans le gener pendant qu'on le
balance a grande volee. Les berceaux, les armoires et les credences sont
encore, dans la demeure de beaucoup de ces paysans, des meubles
tres-anciens et tres-remarquables.
Avant de quitter l'oasis que notre eminent historien M. Raynal appelle
avec raison le _Highland_ du Berry, nous donnames grande attention aux
figures, soit dans le village, soit sur les chemins et dans les hameaux
environnants.
La physionomie humaine est la aussi explicite que le climat et la
vegetation; elle respire une amenite particuliere, avec une dignite
tranquille. Le paysan n'a pas le salut banal de certaines autres
localites du Berry. Mais, des qu'il est prevenu, il repond avec une
dignite douce. Il doit etre fin, puisqu'il est paysan, mais il n'est
pas sournois. Son temperament est sec et sain, sa demarche plus d'aplomb
et moins lourde que celle des gens de nos plaines.
Les enfants sont admirables, et presque toutes les jeunes filles jolies
ou gracieuses. Parmi ces dernieres, deux types tres-distincts nous
frapperent: la blonde, fine, svelte, avec des yeux bleus d'une limpidite
et d'une melancolie particulieres; la brune, plus forte, tres-accentuee,
d'un ton pale et uni vraiment magnifique, avec des yeux espagnols
bistres en dessous et ombrages de longs cils, l'air serieux, meme en
riant. Toutes, quand elles rient, brunes et blondes, montrent des dents
extraordinairement jolies et finement plantees dans des gencives roses.
Les laides ont encore la bouche belle et l'oeil pur, et ceci est propre
aux deux sexes, bien que, comme dans d'autres portions d
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