s poissons, des boutons, des
ecrevisses, des cochons d'Inde, que sais-je? Toujours par monts et par
vaux, brocantant sur toutes choses, se plaignant toujours de l'ingrate
fortune, et toujours recommencant, avec accompagnement d'illusions et de
debourses prealables, l'edifice de sa prosperite. Excellent garcon
d'ailleurs, doux, sobre, point vicieux et tres-serviable avec ou sans
profit. Il s'est jete dans la boheme par imagination et non par paresse,
car il se donne du mal comme dix pour gagner quelques sous. Il est assez
menteur, encore par exces d'imagination, car il ne sait pas soutenir ses
hableries, et ses finesses sont cousues d'un cable.
La moralite que l'on peut tirer de sa vie fantaisiste, c'est qu'il y a
des gens si habiles, qu'ils sont fatalement dupes de tout, et
d'eux-memes par-dessus le marche. Ils cherchent la renommee de profonds
diplomates, et, une fois poses ainsi, ils ne peuvent plus dire un lieu
commun qui ne mette en mefiance. On se fait un droit, un plaisir,
presque un honneur et un devoir de les attraper, si bien qu'en somme ils
succombent dans une lutte ou ils se trouvent seuls contre tous.
N'en est-il pas ainsi ailleurs qu'au village? et, aux premiers plans du
monde financier et industriel, ne trouve-t-on pas, sous des dehors moins
naifs, mais avec des effets et des resultats aussi vains, plus d'un
Caillaud a trois pattes?
Ledit Caillaud a invente, depuis trois ans, de tenir un jeu de bonbons
pour les enfants, dans les assemblees. Il a une table sur laquelle sont
collees des cartes; sur chacune de ces cartes est un lot plus ou moins
friand, soit trois dragees au platre, soit une tour en sucre, soit un
demi-baton de sucre d'orge, soit un cheval en candi couleur de rose. Il
fait payer un sou, et on tire dans un sac des cartes roulees,
crasseuses, Dieu sait! pour amener le lot place sur la carte
correspondante du tableau. La ruse du marchand consiste a placer des
pieces d'une certaine apparence sur les intervalles, de maniere que
presque tous les lots soient couverts d'objets qui ne representent pas
la valeur d'un centime.
A cet honnete trafic, Caillaud fit d'abord quelques bonnes journees.
L'an passe, il recolta trente-huit francs. Mais il ne faut pas
longtemps pour que les plus niais y voient clair.
Sans nous, cette annee, sa boutique eut ete deserte. Heureusement pour
lui, tous les gamins vinrent nous demander de tenir la banque, et nous
la fimes sauter a son profit avec des joueurs qui
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