ur mon dos par
complaisance, par bonte.
Je refusai donc le pain que m'offrait le bon petit Jacques et je me
contentai de lui lecher la main.
_Jacques_:--Ma bonne, ma bonne, il me baise la main, s'ecria Jacques; il
ne veut pas de mon pain! Mon cher petit Cadichon, comme je t'aime! Vous
voyez bien, ma bonne, qu'il me suit parce qu'il m'aime, ce n'est pas
pour avoir du pain.
_La bonne_:--Tant mieux pour toi si tu crois avoir un ane comme on n'en
voit pas, un ane modele. Moi, je sais que les anes sont tous entetes et
mechants, je ne les aime pas.
_Jacques_:--Oh! ma bonne, le pauvre Cadichon n'est pas mechant, voyez
comme il est bon pour moi.
_La bonne_:--Nous verrons bien si cela durera.
--N'est-ce pas, mon Cadichon, que tu seras toujours bon pour moi et pour
Jeanne, dit le petit Jacques en me caressant.
Je me tournai vers lui et le regardai d'un air si doux qu'il le remarqua
malgre sa grande jeunesse; puis je me tournai vers la bonne et lui
lancai un regard furieux, qu'elle vit bien aussi, car elle dit aussitot:
--Comme il a l'oeil mauvais! il a l'air mechant, il me regarde comme
s'il voulait me devorer!
--Oh! ma bonne, dit Jacques, comment pouvez-vous dire cela? Il me
regarde d'un air doux comme s'il voulait m'embrasser!
Tous deux avaient raison, et moi je n'avais pas tort: je me promis
d'etre excellent pour Jacques, Jeanne et les personnes de la maison qui
seraient bonnes pour moi; et j'eus la mauvaise pensee d'etre mechant
pour ceux qui me maltraiteraient ou qui m'insulteraient comme l'avait
fait la bonne. Ce besoin de vengeance fut plus tard la cause de mes
malheurs.
Tout en causant, nous marchions toujours et nous arrivames bientot au
chateau de la grand'mere de Jacques et de Jeanne. On me laissa a la
porte, ou je restai comme un ane bien eleve, sans bouger, sans meme
gouter l'herbe qui bordait le chemin sable.
Deux minutes apres, Jacques reparut, trainant apres lui sa grand'mere.
--Venez voir, grand'mere, venez voir comme il est doux, comme il m'aime!
Ne croyez pas ma bonne, je vous en prie, dit Jacques en joignant les
mains.
--Non, grand'mere, croyez pas, je vous en prie, reprit Jeanne.
--Voyons, dit la grand'mere en souriant, voyons ce fameux ane!
Et, s'approchant de moi, elle me toucha, me caressa, me prit les
oreilles, mit sa main a ma bouche sans que je fisse mine de la mordre ou
meme de m'eloigner.
_La grand'mere_:--Mais il a en effet l'air fort doux; que disiez-vous
donc
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