quel courage je
l'avais sauvee.
Au lieu de courir a moi, me remercier, me caresser, la mere me regarda
d'un oeil indifferent; le pere ne me regarda pas du tout.
--C'est grace a lui que tu as manque de perir, ma pauvre enfant, dit la
mere. Si tu n'avais pas eu la folle pensee d'aller ouvrir son ecurie et
le detacher, nous n'aurions pas passe une nuit de desolation, ton pere
et moi.
--Mais, reprit vivement Pauline, c'est lui qui m'a....
--Tais-toi, tais-toi, dit la mere en l'interrompant; ne me parle plus de
cet animal que je deteste, et qui a manque causer ta mort.
Pauline soupira, me regarda avec douleur et se tut.
Depuis ce jour, je ne l'ai plus revue. La frayeur que lui avait causee
l'incendie, la fatigue d'une nuit passee sans se coucher, et surtout le
froid de la cave, augmenterent le mal qui la faisait souffrir depuis
longtemps. La fievre la prit dans la journee et ne la quitta plus. On la
mit dans un lit dont elle ne devait pas se relever. Le refroidissement
de la nuit precedente acheva ce que la tristesse et l'ennui avaient
commence; sa poitrine, deja malade, s'engagea tout a fait; elle mourut
au bout d'un mois ne regrettant pas la vie, ne craignant pas la mort.
Elle parlait souvent de moi, et m'appelait dans son delire. Personne
ne s'occupa de moi; je mangeais ce que je trouvais, je couchais dehors
malgre le froid et la pluie. Quand je vis sortir de la maison le
cercueil qui emportait le corps de ma pauvre petite maitresse, je fus
saisi de douleur, je quittai le pays et je n'y suis jamais revenu
depuis.
IX
LA COURSE D'ANES
Je vivais miserablement a cause de la saison; j'avais choisi pour
demeurer une foret, ou je trouvais a peine ce qu'il fallait pour
m'empecher de mourir de faim et de soif. Quand le froid faisait geler
les ruisseaux, je mangeais de la neige; pour toute nourriture je
broutais des chardons et je couchais sous les sapins. Je comparais ma
triste existence avec celle que j'avais menee chez mon maitre Georget et
meme chez le fermier auquel on m'avait vendu; j'y avais ete heureux tant
que je ne m'etais pas laisse aller a la paresse, a la mechancete, a la
vengeance; mais je n'avais aucun moyen de sortir de cet etat miserable,
car je voulais rester libre et maitre de mes actions. J'allais
quelquefois aux environs d'un village situe pres de la foret, pour
savoir ce que se passait dans le monde. Un jour, c'etait au printemps,
le beau temps etait revenu, je fus surpris de voir un m
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