z la mere Tranchet, dit le maire.
--C'est deja fait, monsieur le maire, repondit le greffier.
--C'est bien, reprit le maire. Tout est-il pret? Un, deux, trois!
Partez!
Les garcons qui tenaient les anes lacherent chacun le sien en lui
donnant un grand coup de fouet. Tous partirent. Bien que personne ne
m'eut retenu, j'attendis honnetement mon tour pour me mettre a courir.
Tous avaient donc un peu d'avance sur moi. Mais ils n'avaient pas fait
cent pas que je les avais rattrapes. Me voici a la tete de la bande,
les devancant sans me donner beaucoup de mal. Les garcons criaient,
faisaient claquer leurs fouets pour exciter leurs anes. Je me retournais
de temps en temps pour voir leurs mines effarees, pour contempler mon
triomphe et pour rire de leurs efforts. Mes camarades, furieux d'etre
distances par moi, pauvre inconnu a mine piteuse, redoublerent d'efforts
pour me joindre, me devancer et se barrer le passage les uns aux autres;
j'entendais derriere moi des cris sauvages, des ruades, des coups de
dents; deux fois je fus atteint, presque depasse par l'ane de Jeannot.
J'aurais du me servir des memes moyens qu'il avait employes pour
devancer mes camarades, mais je dedaignais ces indignes manoeuvres; je
vis pourtant qu'il me fallait ne rien negliger pour ne pas etre battu.
D'un elan vigoureux, je depassai mon rival; au moment meme il me saisit
par la queue; la douleur manqua me faire tomber, mais l'honneur de
vaincre me donna le courage de m'arracher a sa dent, en y laissant un
morceau de ma queue. Le desir de la vengeance me donna des ailes. Je
courus avec une telle vitesse, que j'arrivai au but non seulement le
premier, mais laissant au loin derriere moi tous mes rivaux. J'etais
haletant, epuise, mais heureux et triomphant. J'ecoutais avec bonheur
les applaudissements des milliers de spectateurs qui bordaient la
prairie. Je pris un air vainqueur et je revins fierement au pas jusqu'a
la tribune du maire, qui devait donner le prix. La bonne femme Tranchet
s'avanca vers moi, me caressa et me promit une bonne mesure d'avoine.
Elle tendait la main pour recevoir la montre et le sac d'argent que
le maire allait lui remettre, lorsque Andre et Jeannot accoururent en
criant:
--Arretez, monsieur le maire, arretez; ce n'est pas juste, ca. Personne
ne connait cet ane; il n'appartient pas plus a la mere Tranchet qu'au
premier venu; cet ane ne compte pas, c'est le mien qui est arrive le
premier avec celui de Jeannot; la montre et
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