rivames tous a la
cabane de la mere Thibaut, qui etait morte de la veille et enterree du
matin. L'enfant courut a la maison et appela: "Nourrice, nourrice!"
Aussitot une chevre bondit hors de l'ecurie restee ouverte, courut a
l'enfant et temoigna sa joie de le revoir par mille sauts et caresses.
L'enfant l'embrassait aussi; puis il dit: "Teter, nourrice". La chevre
se coucha aussitot par terre; le petit garcon s'etendit pres d'elle et
se mit a teter comme s'il n'avait ni bu ni mange.
--Voila la nourrice expliquee, dit enfin Ernest. Que ferons-nous de cet
enfant?
--Nous n'avons rien a en faire, dit Antoine qu'a le laisser la avec sa
chevre.
Les enfants se recrierent tous avec indignation.
_Caroline:_--Ce serait abominable d'abandonner ce pauvre petit; il
mourrait peut-etre bientot, faute de soins.
_Antoine:_--Que veux-tu en faire? Vas-tu l'emmener chez toi?
_Caroline:_--Certainement; je prierai maman de faire demander qui il
est, s'il a des parents, et, en attendant, de le garder a la maison.
_Antoine:_--Et notre partie d'ane? Nous allons donc tous rentrer?
_Caroline:_--Mais non, Ernest aura la complaisance de m'accompagner.
Continuez,! vous autres, votre promenade; vous etes encore quatre, vous
pouvez bien vous passer de moi et d'Ernest.
--Au fait, elle a raison, dit Antoine; remontons a ane et continuons
notre promenade.
Et ils partirent, laissant la bonne Caroline avec son cousin Ernest.
"Comme c'est heureux qu'on ne m'ait pas ecoutee et qu'on ait voulu me
taquiner en passant si pres du cimetiere, dit Caroline: sans cela je
n'aurais pas entendu pleurer ce pauvre enfant et il aurait passe la nuit
entiere sur la terre froide et humide!"
C'etait moi qu'Ernest montait. Je compris, avec mon intelligence
accoutumee, qu'il fallait arriver le plus promptement possible au
chateau. Je me mis donc a galoper, mon camarade me suivit, et nous
arrivames en une demi-heure. On fut d'abord effraye de notre retour si
prompt. Caroline raconta ce qui leur etait arrive avec l'enfant. Sa
maman ne savait trop qu'en faire, lorsque la femme du garde offrit de
l'elever avec son fils, qui etait du meme age. La maman accepta son
offre. Elle fit demander au village le nom du petit garcon et ce
qu'etaient devenus ses parents. On apprit que le pere etait mort l'annee
d'avant, la mere depuis six mois; l'enfant etait reste avec une vieille
grand'mere mechante et avare, qui etait morte la veille. Personne
n'avait pense a l'en
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