de maniere
qu'on ne put me trouver au moment du depart. Le jour du marche, quand je
vis commencer les allees et venues des gens de la ferme, je descendis
tout doucement dans le fosse, et je m'y enfoncai si bien qu'il etait
impossible de m'apercevoir. J'etais la depuis une heure, blotti dans les
ronces et les epines, lorsque j'entendis le garcon m'appeler, en courant
de tous cotes, puis retourner a la ferme. Il avait sans doute appris au
maitre que j'etais disparu, car peu d'instants apres j'entendis la voix
du fermier lui-meme appeler sa femme et tous les gens de la ferme pour
me chercher.
--Il aura sans doute passe au travers de la haie, disait l'un.
--Par ou veux-tu qu'il ait passe? Il n'y a de breche nulle part,
repondit l'autre.
--On aura laisse la barriere ouverte, dit le maitre. Courez dans les
champs, garcons, il ne doit pas etre loin; allez vite et ramenez-le, car
le temps passe, et nous arriverons trop tard.
Les voila tous partis dans les champs, dans les bois, a courir, a
m'appeler. Je riais tout bas dans mon trou, et je n'avais garde de me
montrer. Les pauvres gens revinrent essouffles, haletants; pendant une
heure ils avaient cherche partout. Le maitre jura apres moi, dit qu'on
m'avait sans doute vole, que j'etais bien bete de m'etre laisse prendre,
fit atteler un de ses chevaux a la charrette et partit de fort mauvaise
humeur. Quand je vis que chacun etait retourne a son ouvrage, que
personne ne pouvait me voir, je passai la tete avec precaution hors de
ma cachette, je regardai autour de moi, et, me voyant seul, je sortis
tout a fait; je courus a l'autre bout de la prairie, pour qu'on ne put
deviner ou j'avais ete, et je me mis a braire de toutes mes forces.
A ce bruit, les gens de la ferme accoururent.
--Tiens, le voila revenu! s'ecria le berger.
--D'ou vient-il donc? dit la maitresse.
--Par ou a-t-il passe? reprit le charretier.
Dans ma joie d'avoir evite le marche, je courus a eux. Ils me recurent
tres bien, me caresserent, me dirent que j'etais une bonne bete de
m'etre sauve d'entre les mains des gens qui m'avaient vole, et me firent
tant de compliments que j'en fus honteux, car je sentais bien que je
meritais le baton bien plus que des caresses. On me laissa paitre
tranquillement, et j'aurais passe une journee charmante, si je ne
m'etals pas senti trouble par ma conscience, qui me reprochait d'avoir
attrape mes pauvres maitres.
Quand le fermier revint et qu'il apprit mon retour,
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