oments-la; cependant je l'ai deja vu malade
une fois, je m'en suis apercue a cette petite chanson dont je t'ai
parle; je l'ai interroge et il m'a repondu qu'il etait un peu souffrant,
et qu'il me priait de ne pas m'en occuper. S'il a souffert peu ou
beaucoup ce jour-la, c'est ce que je ne puis savoir; je craignais tant
de le contrarier que je n'ai pas ose le regarder. Le fait est qu'il n'y
a guere paru a son humeur, et que maintenant le malaise, soit physique,
soit moral, qu'il eprouve, est tout a fait visible. Hier soir il m'a
semble qu'il m'embrassait un peu froidement; j'ai mal dormi, et, m'etant
eveillee au milieu de la nuit, j'ai vu de la lumiere dans sa chambre.
J'ai tremble qu'il ne fut indispose; mais, craignant encore plus de lui
etre importune, je me suis levee sans bruit et j'ai ete sur la pointe
du pied regarder par la fente de sa porte; il lisait en fumant. Je
suis venue me recoucher, un peu rassuree, mais triste de voir qu'il
ne dormait pas. Je suis si nonchalante et si enfant que, malgre ma
tristesse, je me suis rendormie tout de suite. Pauvre Jacques! il a des
insomnies, il souffre peut-etre beaucoup, il s'ennuie sans doute durant
ces longues nuits si tristes! Pourquoi ne m'appelle-t-il pas? Je
surmonterais certainement mon sommeil avec joie, je causerais avec lui,
ou je lui ferais la lecture pour le distraire. Je devrais peut-etre
le prier de me laisser veiller avec lui; je n'ose pas. C'est
extraordinaire; j'ai decouvert ce matin que je crains Jacques presque
autant que je l'aime; je n'ai jamais eu le courage de lui demander ce
qu'il avait. Ce que les Borel m'ont dit de ses singulieres fiertes
n'est pas sorti de mon esprit, malgre tout ce qui aurait du me le faire
oublier, ou me persuader, du moins, que Jacques ne les aurait pas avec
moi. Je devrais peut-etre vaincre celle timidite, et le conjurer de me
confier sa souffrance; car je ne suis pas de ceux qu'elle peut ennuyer,
et je ne vois pas qu'il ait besoin de se fatiguer a faire du stoicisme
avec moi. Mon silence lui fait peut-etre croire que je ne m'apercois de
rien. Ah! alors quelle idee doit-il avoir de ma grossiere insouciance!
Je ne puis la lui laisser. Il faut que j'aille le trouver tout de suite,
n'est-ce pas, Clemence? Oh! mon Dieu, que n'es-tu ici! toi qui as tant
de prudence et un jugement si delie, tu me conseillerais. A defaut de la
voix de la raison et de l'amitie, j'ecoute celle de mon coeur et je m'y
abandonne; je vais rejoindre Jacques d
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