nts de son age, et j'ai
aussi ceux du mien. A quoi m'aurait servi l'experience, si elle ne
m'avait endurci a la souffrance? C'est a moi de m'observer et de me
vaincre. Je m'etudie sans cesse, et je me confesse devant Dieu dans la
solitude de mon coeur, pour me preserver de l'orgueil intolerant. En
m'examinant ainsi, j'ai trouve bien des taches en moi, bien des motifs d
excuse pour les frequentes agitations de Fernande. Par exemple, j'ai la
triste habitude de rapporter toutes mes peines presentes a mes peines
passees. C'est un noir cortege d'ombres en deuil qui se tiennent par
la main; la derniere qui s'agite eveille toutes les autres qui
s'endormaient. Quand ma pauvre Fernande m'afflige, ce n'est pas elle qui
me fait tout le mal que je ressens, ce sont les autres amours de ma vie
qui se remettent a saigner comme de vieilles plaies. Ah! c'est qu'on ne
guerit pas du passe!
Devrait-elle se plaindre de moi, pourtant? Quel homme sait mieux jouir
du present? quel homme respecte plus saintement les biens que Dieu lui
accorde? Combien je prise ce diamant que je possede, et autour duquel je
souffle sans cesse pour en ecarter le moindre grain de poussiere! Oh!
qui le garderait plus soigneusement que moi? Mais les enfants savent-ils
quelque chose? Moi, du moins, je puis comparer le passe au present, et
si quelquefois je souffre doublement pour avoir deja beaucoup souffert,
plus souvent encore j'apprends par cette comparaison a savourer le
bonheur present. Fernande croit que tous les hommes savent aimer comme
moi; moi, je sens que les autres femmes ne savent pas aimer comme elle.
C'est moi qui suis le plus juste et le plus reconnaissant. Mais, encore
une fois, il en doit etre ainsi. Helas! le temps du bonheur serait-il
deja passe? celui du courage serait-il venu? Oh! non, non, pas encore;
ce serait trop vite. Que l'un preserve l'autre, et que le bonheur
recompense le courage!
XXV.
DE CLEMENCE A FERNANDE.
Je suis plus affligee que surprise de ce qui t'arrive; tes chagrins me
paraissent la consequence inevitable d'une union mal assortie. D'abord
ton mari est trop age pour toi, ensuite tu as pris ta position tout de
travers. Il eut ete possible a une femme dont le caractere serait calme
et un peu froid de s'habituer aux inconvenients que je t'avais signales,
et qui ne se sont que trop realises; mais, pour une petite tete exaltee
comme la tienne, un homme aussi experimente que M. Jacques est le pire
mari que tu pouvais ren
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