e, parce qu'elle
sent qu'elle a tort de s'y abandonner et qu'elle perd a mes yeux de sa
dignite. Son orgueil souffre alors, et mes efforts pour le relever et le
guerir sont vains; elle les attribue a la generosite, A la compassion,
et n'en est que plus triste et plus humiliee. Mon amour devient trop
severe pour elle; elle se croit obligee de l'implorer, elle ne le
comprend plus.
Il y a quelque temps, elle se jeta a mes pieds pour me le redemander. Un
mari eut ete touche peut-etre de cet acte de soumission; pour moi, j'en
fus revolte. Il me rappela les scenes orageuses que plusieurs fois j'ai
eu a supporter quand, apres avoir perdu mon estime, les femmes que j'ai
aimees ont voulu en vain ressaisir mon amour. Voir Fernande dans cette
situation! elle si sainte et si vierge de souillure! cela me fit
horreur. Oh! ce n'est pas ainsi que je veux etre aime; inspirer a ma
femme le sentiment qu'un esclave a pour son maitre! Il me sembla qu'elle
se mettait dans cette altitude pour faire abjuration de notre amour et
me promettre quelque autre sentiment. Elle ne comprit pas le mal qu'elle
me faisait, et elle me fit peut-etre dans son coeur un crime de n'avoir
pas ete reconnaissant de ce qu'elle tentait pour me guerir. Pauvre
Fernande!
Tu me recommandes d'etre avec elle ce que j'ai ete avec toi! Tu crois
donc, Sylvia, que c'est moi qui t'ai faite ce que tu es? Tu crois qu'une
creature humaine peut donner a une autre la force et la grandeur?
Souviens-toi de la fable de Promethee, que les dieux punirent, non pour
avoir fait un homme, mais pour s'etre flatte de lui donner une ame. La
tienne etait deja vaste et brulante quand j'y versai la faible lumiere
de ma reflexion et de mon experience; mais, loin de l'exalter, je ne
m'occupai qu'a l'eclairer; je lachai de diriger vers un but digne d'elle
la vigueur de son elan et l'ardeur de ses affections. Je ne fis que lui
ouvrir une route; c'est Dieu qui lui avait donne des ailes pour s'y
elancer. Tu avais ete elevee au desert; ton intelligence etait si verte
et si fraiche, qu'elle s'ouvrait a toutes les idees; mais cela n'eut
pas suffi, si ton coeur n'eut pas ete prepare aux sentiments dont je
te parlais: tu aurais tout compris sans rien sentir. En un mot, je ne
songeai point a t'inspirer, je cherchai a t'instruire. Si je ne l'eusse
pas fait, peut-etre n'aurais-tu pas appris l'usage des dons de Dieu;
mais certainement ils ne se seraient point perdus sans t'enseigner une
conduite noble et fe
|