re-t-on moins, aime-t-on plus
froidement, pour rester debout et pour ne pas se briser la poitrine en
sanglots? Que ferez-vous, pauvres enfants, quand la foudre vous tombera
sur la tete?--Tout ce que vous dites la est horrible, lui ai-je repondu;
est-ce par le dedain que vous voulez vous delivrer de mon amour? vous
importune-t-il deja?" Il s'est assis aupres de moi, et il est reste
silencieux, la tete baissee, l'air resigne, mais profondement triste. Il
m'a laissee pleurer longtemps, puis il a fait un effort pour me prendre
les mains; mais j'ai vu que cette marque d'affection lui coutait; et
j'ai retire mes mains precipitamment. "Helas! helas!" a-t-il dit, et
il est sorti. Je l'ai rappele, mais en vain, et je me suis presque
evanouie. Rosette, en apportant des lumieres dans le salon, m'a trouvee
sans mouvement; elle m'a portee a mon lit, elle m'a deshabillee pendant
qu'on avertissait mon mari; il est venu, et m'a temoigne beaucoup
d'interet. J'avais une extreme impatience d'etre seule avec lui,
esperant qu'il me dirait quelque chose qui me consolerait tout a fait;
je voyais tant d'emotion sur sa figure! Je ne pouvais cacher l'ennui que
me causaient les interminables prevenances de Rosette; j'ai fini par lui
parler un peu durement, et Jacques a dit quelques mots en sa faveur.
J'avais les nerfs reellement malades; je ne sais comment la maniere dont
Jacques a semble s'interposer entre moi et ma femme de chambre m'a
cause un mouvement de colere invincible. Plusieurs fois deja, ces jours
derniers, je m'etais impatientee contre cette fille, et Jacques m'en
avait blamee. "Je sais bien qu'en toute occasion, lui ai-je dit, vous
donnez de preference raison a Rosette et a moi tout le tort.--Vous etes
reellement malade, ma pauvre Fernande, a-t-il repondu. Rosette, tu fais
trop de bruit autour de ce lit, va-t en; je te sonnerai si madame a
besoin de toi." Aussitot j'ai senti combien j'etais injuste et folle.
"Oui, je suis malade," ai-je repondu des que j'ai ete seule avec lui, et
je me suis cache la tete dans son sein en pleurant; il m'a consolee en
me prodiguant les plus tendres caresses et en me donnant les plus doux
noms. Je n'avais plus la force de demander une autre explication, tant
j'avais la tete brisee; je me suis endormie sur l'epaule de Jacques.
Mais ce matin, quand j'ai sonne ma femme de chambre, j'ai vu une autre
figure, assez laide et insignifiante. "Qui etes-vous, ai-je dit, et ou
est Rosette?--Rosette est partie, m'a di
|