is rassurez-vous, je n'en
avais pas besoin; j'ai en mains toutes les pieces necessaires pour
affirmer mes droits sur ma fille.
--Et ces pieces? demanda-t-elle en essayant de se defendre.
--Je les produirai si vous m'y obligez, mais j'espere que nous n'en
viendrons pas a cette extremite. En effet, je n'ai qu'un but: assurer
l'avenir de ma fille, et il me semble que vous ne pouvez pas ne pas vous
associer a moi.
--Cet avenir a ete assure
--Vous voulez parler du testament de M. de Chambrais. Je suis, je
l'avoue, surpris que vous consideriez l'avenir d'un enfant assure par la
donation d'une somme d'argent. Il y a autre chose que l'argent dans la
vie d'un enfant...
Il dit cela avec une grandeur qui devait toucher Ghislaine.
--... Il y a l'education, il y a les sentiments qui dirigent cette
education, il y a l'affection maternelle, ou paternelle, il y a le
milieu dans lequel l'enfant est eleve. Si Claude a la fortune, a-t-elle
cette education dont je parle, a-t-elle cette affection maternelle?
Est-elle dans un milieu digne d'elle? Elevee chez le garde, ayant
pour camarades, pour freres et soeurs des enfants grossiers, de vrais
paysans...
--Elle devait entrer au couvent. C'est le medecin qui a ordonne qu'elle
vive en paysanne.
--A la campagne, je l'admets, mais en paysanne, en fille de
garde-chasse, c'est autre chose. Si de votre mariage vous aviez une
fille de onze ans, la feriez-vous elever par un garde, sous pretexte que
les medecins ordonnent qu'elle vive en paysanne? Non, n'est-ce pas? Eh
bien! pour n'etre pas nee de votre mariage, Claude n'en est pas moins
votre fille. Et puisque vous l'oubliez, mon devoir est de vous le
rappeler. Pour mon malheur, je sais par experience ce que c'est que
d'etre eleve dans une maison etrangere; je ne veux pas que ma fille
souffre ce qu'a souffert son pere, et que l'absence d'une direction
affectueuse, ferme et douce a la fois, fasse d'elle ce qu'elle a fait de
moi.
Ghislaine ecoutait stupefaite: etait-il possible que ce langage fut
sincere; c'etait lui qui parlait de devoir, d'affection, de dignite, de
fierte! Ou voulait-il en venir? Qui se cachait derriere cet etalage de
tendresse et de sollicitude pour une enfant qu'il ne connaissait pas?
Son premier mouvement avait ete de repondre lorsqu'il avait invoque
l'affection maternelle; mais n'etait-ce pas la un piege dans lequel elle
ne devait pas tomber, un autre aveu plus precis que ceux sur lesquels il
s'appuyait deja?
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