hambrais desorientee,
desoeuvree, l'esprit vide, ne sachant que faire, refusant d'aller a
Paris, attendant l'heure ou elle vivrait en lui ecrivant de longues
lettres toutes pleines de tendresse; mais ce jour-la si son
desoeuvrement etait le meme, l'inquietude enfievrait son esprit
bouleverse.
Ce n'etait point de cette facon qu'il procedait quand un voyage
l'obligeait a une separation: a l'avance il la prevenait en lui
expliquant les raisons qui semblaient rendre ce voyage indispensable, il
la consultait; et le plus souvent c'etait elle qui, en fin de compte,
le forcait a partir. Pourquoi, cette fois, avait-il agi comme s'il se
sauvait et la fuyait?
Comme elle se debattait contre des suppositions sans rien trouver de
raisonnable, un valet de chambre lui remit une carte sur laquelle elle
lut: "Prince N. Amouroff."
Elle ne connaissait pas ce nom qui ne lui disait rien.
--Vous avez donc dit que j'etais visible? demanda-t-elle contrariee.
--La personne qui m'a remis cette carte savait que madame la comtesse
etait au chateau; j'ai cru qu'elle etait attendue.
Ghislaine, dans l'etat d'agitation ou elle se trouvait, n'etait pas
disposee a recevoir; mais pensant que ce prince Amouroff venait sans
doute pour voir son mari, elle ne voulut pas le renvoyer, le voyage de
Paris a Chambrais meritant quelques egards.
Elle etait a ce moment dans la bibliotheque, assise dans le fauteuil de
son mari, devant la table de celui-ci, se preparant a lui ecrire en se
servant de sa plume et de son buvard.
--Ou est cette personne? demanda-t-elle.
--Dans le salon d'attente.
Elle sortit de la bibliotheque, et traversant le vestibule, precedee du
valet qui ouvrait la porte, elle entra dans ce salon.
Celui qui l'attendait se tenait devant une fenetre, regardant dans le
jardin, il se retourna: c'etait Nicetas.
Elle retint un cri:
--Vous!
Malgre sa stupefaction et sa frayeur, elle eut la force de lui montrer
de la main le salon faisant suite a celui ou ils se trouvaient, et il la
suivit.
--Vous ne deviez pas vous representer ici, dit-elle lorsque sa voix ne
dut plus etre entendue du vestibule.
--Bien que je n'ai pas pris d'engagement a cet egard, je le voulais, en
effet; les circonstances en ont decide autrement; c'est pour attenuer
autant que possible les inconvenients de cette nouvelle visite que je me
suis presente sous mon nom.
--Votre nom!
--Celui de mon pere, le mien, par consequent, comme je puis vous
l'e
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