entendant
cette entree en matiere, il laissa paraitre un certain etonnement.
Un enfant naturel dont il etait le notaire, il n'en voyait qu'un: la
pupille du comte de Chambrais, la petite Claude. Il n'etait pas non plus
dans ses habitudes de se risquer dans des questions compromettantes;
cependant, avant d'aller plus loin, il voulut savoir a qui il avait
affaire.
--Comme vous l'avez dit, prince, je n'ai pas l'honneur de vous
connaitre, mais je me suis trouve, il y a une vingtaine d'annees, avec
le lieutenant-general, aide de camp general, prince Amouroff, etes-vous
de la famille?
--C'etait mon pere.
Cela meritait consideration, le notaire n'en devint que plus attentif.
--Cette enfant, continua Nicetas, est celle que M. de Chambrais a faite
son heritiere...
Bien que le notaire eut toujours suppose que M. de Chambrais etait le
pere de Claude, il ne broncha pas: ce n'etait pas avec son experience de
la vie qu'il allait s'etonner que deux hommes se crussent le pere d'un
meme enfant; et puis il s'interessait a cette petite, et il ne pouvait
etre que satisfait de voir cette reconnaissance lui constituer un bel
etat civil: la fortune du comte de Chambrais d'un cote, de l'autre le
nom du prince Amouroff, elle n'etait pas a plaindre vraiment.
Nicetas etait arrive au moment decisif, au coup de theatre qu'il avait
prepare:
--Et la mere, dit-il, est la princesse de Chambrais, aujourd'hui
comtesse d'Unieres; au moment de la naissance de l'enfant elle n'etait
pas encore mariee.
Le notaire ne poussa aucune exclamation, mais il saisit des deux
mains les bras de son fauteuil, et avec une energie qui disait sa
stupefaction, il resta ainsi, les yeux colles sur son buvard, sans
regarder Nicetas.
--Si je vous demande d'inserer le nom de la mere dans l'acte de
reconnaissance, continua Nicetas apres un moment de silence, c'est que
j'ai l'intention d'intenter prochainement une action en recherche de
maternite, qu'il me sera facile de prouver, et qui d'ailleurs s'appuiera
sur des presomptions presque aussi fortes qu'un aveu, j'entends les
soins donnes a l'enfant par madame d'Unieres, sa sollicitude, sa
tendresse.
La premiere pensee du notaire avait ete de considerer le prince Amouroff
comme un fou, mais le mot recherche de maternite donna un autre cours a
ses soupcons: le fou qu'il avait cru n'etait-il pas plutot un intrigant
et un coquin qui ne meritait que d'etre jete a la porte?
Au commencement de son notariat, il n
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