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Immediatement le prefet envoya au n deg. 44 des Champs Elysees un inspecteur
charge de dire au prince Amouroff--parlant a sa personne--que le prefet
de police le priait de passer a son cabinet le lendemain matin a dix
heures. En meme temps, il fit prevenir Me Le Genest de la Crochardiere
d'assister a cette entrevue.
Ce fut le notaire qui arriva le premier; a dix heures moins cinq
minutes, il etait introduit aupres du prefet, qui lui communiqua les
renseignements transmis par l'ambassade.
--Vous voyez, monsieur le prefet, dit le notaire.
--Ce que vous me disiez etait vrai, j'en avais la certitude; mais il
fallait une preuve qui fermat la bouche a votre coquin, et l'ambassade
nous la donne.
--Viendra-t-il?
--Je le crois; ce que vous m'avez dit me donne a penser qu'il voudra
payer d'audace; d'ailleurs, il a interet a apprendre ce que nous savons,
ce que nous lui reprochons et ce que nous pouvons.
L'huissier entra portant une carte.
--Le voici; faites entrer.
Comme le prefet l'avait prevu, Nicetas se presenta la tete haute, froid
et calme,--au moins en apparence.
Il salua le prefet poliment, le notaire avec dedain.
--La presence de Me Le Genest de la Crochardiere doit vous apprendre
de quoi il s'agit, dit le prefet. Me Le Genest pretend que vous
n'avez aucun droit a vous dire le pere d'une enfant que vous voulez
reconnaitre.
--Me Le Genest me parait bien audacieux dans ses affirmations; serait-il
decent de lui demander sur quoi il les appuie?
--Et vous, monsieur, demanda le prefet qui avait souri au mot decent,
sur quoi appuyez-vous les votres?
--Sur des pieces qui seront soumises au tribunal.
--Verriez-vous un inconvenient a les produire ici?
--Je ne crois pas que ce soit le lieu, repondit-il insolemment.
--Au moins est-ce celui de produire d'autres pieces que j'ai le droit
de vous demander. Ce sont celles sur lesquelles vous vous appuyez pour
prendre le nom d'Amouroff et le titre de prince.
Nicetas ne se troubla point.
--Ce serait avec plaisir, mais en quittant la Russie, je ne me suis pas
charge de ma genealogie, qui constitue un ballot un peu lourd.
--C'est facheux, car vous pourriez prouver a votre ambassade qu'elle
se trompe en disant que le prince Amouroff n'a laisse qu'un fils mort
depuis trois ans, et, a moi, que ce n'est pas en vue d'un chantage
que vous avez pris le nom et ce titre, ce qui vous epargnerait le
desagrement d'etre reconduit a la frontiere par mes soins
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