ettait.
--Qui donc?
--Vous avez oublie Nicetas.
--Ah! vous connaissez Nicetas; mais Nicetas, qui avait des dispositions,
n'a jamais ete qu'un virtuose.
--Ah! je croyais...
--Est-ce que s'il avait eu l'etincelle sacree, il aurait abandonne l'art
pour courir les aventures a travers les deux Ameriques, se faire mineur,
gardien de troupeaux, photographe, journaliste, soldat...
--Et aujourd'hui prince.
--Comment, il est prince, Nicetas?
--Prince Amouroff.
--Il a donc herite du titre de son pere?
--Il parait.
--C'est une fiere chance.
--N'est-il pas tout naturel d'heriter de son pere?
--Quand on est le fils de son pere, mais quand on a legalement pour pere
un homme dont on n'est pas le fils, je trouve que c'est une fiere chance
d'heriter de celui qui s'est debarrasse de sa paternite.
--Je ne comprends pas.
Le verre en main, Soupert ne demandait qu'a bavarder, et pourvu qu'il
put assez souvent se mouiller la bouche, il ne s'arretait que quand son
verre etait vide: il raconta ce qu'il savait de la naissance de Nicetas,
en realite fils du prince Amouroff, mais legalement fils d'un professeur
au Conservatoire de Marseille, appele Clovis Blanc, qui l'avait reconnu.
--Eh bien! dit le notaire, quand Soupert fut arrive au bout de son
histoire, il parait que les choses se sont arrangees, car aujourd'hui
votre ancien eleve est prince.
--J'en serais bien heureux pour lui; mais est-ce que c'est possible?
--Je ne suis pas au courant de la legislation russe.
Et comme le notaire avait appris ce qu'il voulait, il quitta Soupert
enchante de l'avoir revu, et d'avoir passe quelques instants avec lui;
mais comme il ne fallait pas que le vieux musicien put croire que cette
visite n'etait pas fortuite, au lieu de retourner sur ses pas, il
continua tout droit comme s'il allait a Versailles; a Saclay, il
prendrait la route de Bievres pour revenir a Paris.
Aussitot rentre, il se mit a son bureau et ecrivit a Nicetas:
"Prince,
"J'aurais quelques renseignements a vous demander avant de dresser
l'acte dont vous m'avez parle; voulez-vous prendre la peine de passer
demain jeudi a mon etude entre deux et trois heures; je vous serais
reconnaissant de m'ecrire ce soir meme un mot pour me dire si je dois
vous attendre.
"Veuillez agreer l'expression de mes sentiments de haute consideration.
"LE GENEST."
Il relut sa lettre:
--Prince, se dit-il, haute consideration enfin, il le faut.
Le lendemain ma
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