s que cette perte vous laisse seul
sur la terre. Sans doute, rien ne remplace une bonne mere; mais il
vous reste de vrais amis. Vous etes fait pour en avoir, et vous savez,
j'espere, que vous en possedez de bien vrais dans Casimir et dans sa
femme. Je regrette de n'etre pas aupres de vous pour vous detourner de
ces noires idees, et vous prouver qu'il est encore des coeurs qui
s'interessent a vous.
XII
A MADAME MAURICE DUPIN
CHEZ MADAME GAZAMAJOU, A CHARLEVILLE (ARDENNES)
23 decembre 1826.
Ma chere maman,
Vous m'avez laissee bien longtemps sans nouvelles de vous, et j'ai
moi-meme attendu bien longtemps a vous remercier de votre lettre. Mais
j'ai ete si souffrante, et je le suis encore tellement, que j'ai bien
de la peine a ecrire. Ma sante se ressent du mois de decembre, et j'ai
des maux de poitrine qui m'epuisent; je n'ai ni sommeil ni appetit.
Tout me degoute, et je ne trouve de bon que l'eau claire, qui ne
m'engraisse pas, comme vous pensez bien. La nuit, j'ai des oppressions
insupportables, mon drap me semble peser cent livres, et je suis
reduite a regarder les etoiles au lieu de dormir. Tout cela est fort
ennuyeux, mais je ne perds pas courage. C'est un temps a passer.
Depuis trois ans, l'hiver m'est tres contraire, et le printemps me
ramene la sante. J'attends cette douce saison avec impatience.
Vous avez bien raison de quitter Paris, ou l'on se tue, ou l'on se
vole, ou l'on est moins en surete qu'au milieu de la foret Noire.
Caroline doit se trouver bien heureuse de votre compagnie, et ne plus
regretter Paris. Oscar vous distrait et vous interesse. J'ai grande
impatience de le revoir, il doit etre bien grandi et bien avance.
Maurice est beau comme un ange. Madame Duplessis raffole de lui. Il
dit aussi une foule de belles choses dans le plus singulier patois
_bericho-gascon_ qui se soit jamais entendu. Vous l'aimerez aussi,
outre la parente, car il a un charmant caractere.
Le pauvre vicomte doit s'ennuyer a perir de votre absence. Vous l'avez
laisse bien cruellement, a ce qu'il me semble. C'est votre usage; mais
s'accoutume-t-on aux rigueurs? Vous pretendez qu'il s'endort. Moi, je
suis bien sure qu'il medite ou qu'il tombe dans une melancolie qui
ressemble peut-etre bien au sommeil; mais je parie que ce sont des
soupirs que vous interpretez comme des ronflements dans votre cruaute.
Permettez-moi de vous embrasser, ma chere maman, et de vous souhaiter
mille pr
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