demandent toujours quand vous viendrez. Je
voudrais bien avoir une bonne reponse a leur donner et je n'en perds
pas l'esperance; car vous trouverez bien quelque temps a nous
consacrer et vous savez qu'il y a ici de bon vin et de bons garcons.
J'espere que, dans quelques jours, nous aurons du beau temps qui me
rendra moins maussade et mieux portante. Pour le present, je suis tout
a fait ganache et miserable, ne pouvant bouger de ma chambre et a
peine de mon lit. Je suis grosse par-dessus le marche, et cela fait
une complication de maux peu agreable. Il ne me faudrait pas moins que
vous pour me rendre ma bonne humeur et la sante.
Que faites-vous maintenant, mon gros ami? avez-vous gueri ce vilain
rhume qui vous fatiguait si fort, et etes-vous un peu au courant de
votre nouvel etat de choses? Il y a bien longtemps aussi que Casimir
dit tous les jours qu'il veut vous demander de vos nouvelles. Mais
vous savez comme il est paresseux de l'esprit et enrage des jambes. Le
froid, la boue, ne l'empechent point d'etre toujours dehors, et, quand
il rentre, c'est pour manger ou ronfler.
Votre belle Pauline est-elle toujours aussi grosse et aussi bonne?
Maurice est un lutin acheve. Il a ete abime d'une coqueluche qui lui a
ote, pendant deux mois, le sommeil et l'appetit. Heureusement il va a
merveille maintenant.
Quand vous viendrez, je veux que vous m'ameniez Pauline; vous savez
que j'en aurai bien soin, et elle est si aimable et si douce, qu'elle
ne vous sera guere a charge en route.
Voyez-vous souvent la famille Saint-Agnan[1]? J'ai ete si paresseuse
envers elle, que je ne sais ce qu'elle devient.
Maurice, qui s'endort sur mes genoux et me fatigue beaucoup, m'empeche
de vous en dire davantage. Je laisse a Casimir le soin de vous repeter
que nous vous aimons toujours et vous desirons vivement.
[1] Amie de George Sand habitant Paris.
XIX
A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS
Nohant, 7 avril 1828.
Ma chere maman,
Vous me traitez bien severement, juste au moment ou je venais de vous
ecrire, ne m'attendant guere a vous voir fachee contre moi. Vous me
pretez une foule de motifs d'indifference dont vous ne me croyez
certainement pas coupable. J'aime a croire qu'en me grondant, vous
avez un peu exagere mes torts, et qu'au fond du coeur vous me rendiez
plus de justice; car, vous m'aviez cru insensible a de si graves
reproches, vous ne me les auriez pas faits.
J'espere qu'en a
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