entre de la tempete! Son
gendre est brigadier aux gardes du corps; est-il mort? S'il ne l'est
pas, vivra-t-il demain? Je n'ai pas le courage de leur ecrire.
D'ailleurs, ou sont-ils? Et puis peuvent-ils songer, s'ils out ete
maltraites, comme je le crains, a donner de leurs nouvelles? Mais
vous, mon enfant, qui etes actif, bon et devoue a vos amis, vous
pouvez peut-etre me tirer de cette horrible inquietude. Faites-le si
le combat a cesse, comme on le dit. Helas! ne recommencera-t-il pas
bientot?
Que je vous dise ce qui se passe chez nous. Notre ville est la seule
qui se montre vraiment energique. Qui l'aurait cru? elle seule marche.
Chateauroux est moins determinee. Issoudun ne l'est pas du tout;
neanmoins, les gardes nationales s'organisent, et, si l'autorite
(l'autorite renversee) lutte encore, nous resisterons bien. Dans ce
moment, la gendarmerie est la seule force qu'on ait a nous opposer;
c'est si peu de chose contre la masse, qu'elle se tient prudemment en
repos. Nous n'avons qu'un danger a courir, celui d'etre assaillis par
un regiment detache de Bourges pour nous soumettre. Alors on se
battra.
Les deux hommes d'ici sont des plus decides. Casimir est nomme
lieutenant de la garde nationale, et cent vingt hommes sont deja
inscrits. Nous attendons avec impatience la direction que nous donnera
le gouvernement provisoire. J'ai peur, mais je n'en dis rien; car ce
n'est pas pour moi que j'ai peur. En attendant, on se reunit, on
s'excite mutuellement.
Et vous, que ferez-vous? La famille Bertrand viendra-t-elle ici
bientot? L'accompagnez-vous toujours? Je desire bien vous revoir.
Parlez-moi de notre depute; est-il arrive sans evenement? Nous l'avons
vu partir au plus rude moment et nous fremissions de ce qui pouvait
lui arriver. Nous esperons maintenant qu'il a pu entrer sans danger,
mais nous sommes impatients d'en avoir la certitude. Tachez de le
voir, et priez-le, s'il a un instant de loisir, de me donner de ses
nouvelles. Il est notre heros, et, comme notre attachement est son
unique salaire, il ne peut pas refuser celui-la.
Adieu, mon cher enfant. Ou sont nos paisibles lectures et nos jours de
repos? Quand reviendront-ils? La guerre n'est pas mon element; mais,
pour vivre ici-bas, il faut-etre amphibie. S'il ne fallait que mon
sang et mon bien pour servir la liberte! Je ne puis pas consentir a
voir verser celui des autres, et nous nageons dans celui des autres!
Vous etes heureux d'etre homme; chez vous, l
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