de la douceur, de la bienveillance, de
l'obligeance. De l'intimite et de la confiance, jamais; a moins de
circonstances particulieres qui n'existent point par rapport a vous
avec mes gens, ou avec ceux du general Bertrand. Voila encore ce qui
me fait dire que vous etes paresseux.
Quand vos eleves sont couches, au lieu d'aller niaiser avec des gens
qui ne parlent pas le meme francais que vous, il faudrait prendre un
livre, orner votre esprit des connaissances qui lui manquent encore.
Si votre cerveau est fatigue des impatiences et des fadeurs de la
lecon (je conviens que rien n'est plus ennuyeux), prenez un ouvrage de
litterature. Il y en a tant que vous ne connaissez pas, ou que vous
connaissez mal! J'aimerais encore mieux que vous fissiez seul de
mechants vers que d'aller entendre de la prose d'antichambre.
Vous voyez que j'use fort de la liberte que vous m'avez donnee de vous
gronder. Au fait, si vous le preniez mal, vous seriez un sot; car je
ne fais que remplir mon devoir de mere; il faut vous aimer et vous
estimer beaucoup pour se charger de vous faire la morale si rudement.
Le 13 mars.
Il y a tantot quinze jours que je vous ecrivis le barbouillage
precedent. Depuis, il ne m'a pas ete possible de le reprendre; c'est a
grand'peine que je m'y remets aujourd'hui. J'ai attrape une sorte de
refroidissement qui m'a fort maltraite les yeux. Je serai fort a
plaindre si j'en suis reduite a me chauffer les pieds sans m'occuper;
c'est triste de n'y pas voir, de ne pouvoir regarder la couleur du
ciel et le visage de ses enfants. Priez pour que cela ne m'arrive.
En attendant, je souffre beaucoup et ne puis vous dire qu'un mot:
c'est que vous ne vous facherez pas j'espere, de tout ce qui precede,
un peu severement dit. N'y cherchez qu'une nouvelle preuve de mon
amitie pour vous.
Vous viendrez nous voir quand vous aurez fini avec la maison Bertrand.
Vous trouverez Maurice et Leontine lisant tres bien, ecrivant tres
mal, faisant du reste assez de progres pour les petites choses que je
leur enseigne peu a peu. Soulat[2] lit mal et ecrit bien. Il oublie
les principes que vous lui avez donnes, quoique nous le fassions lire
tous les jours.
Vous m'aviez propose de me laisser des tableaux pour les leur remettre
sous les yeux, ce qui souvent est necessaire. Vous l'avez ensuite
oublie. Je me rappelle assez bien l'arrangement des principales
regles. Mais j'ai les yeux et la tete si malades,
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