Je l'aurais
soignee avec zele; mais, outre que l'arrivee de deux personnes de plus
dans son menage eut pu la gener beaucoup, il ne m'est pas facile de
quitter mes petits enfants, encore moins de les faire voyager avec
moi. Voici l'age ou Maurice a besoin de lecons suivies et je suis
comme enchainee a la maison. J'ai renonce aux longues courses; ce qui
me force de negliger celles de mes connaissances qui demeurent a cinq
ou six lieues.
Oscar doit etre un beau garcon bien avance. S'il etait a moi, avec les
dispositions qu'il a pour le dessin, j'en ferais un peintre. C'est
l'avenir que je reve pour le mien. Il annonce aussi du gout pour cet
art. C'est, a mon gre, le plus beau de tous, celui qui peut occuper le
plus agreablement la vie, soit qu'il devienne un etat, soit qu'il
serve seulement a l'amusement. Il me fait passer tant d'heures de
plaisir et de bonheur que je passerais peut-etre a m'ennuyer! Si
j'avais un talent veritable, je sens qu'il n'y aurait pas de sort plus
beau que le mien et j'oublierais bien au fond de mon cabinet les
intrigues et les ambitions qui font les revolutions.
Que dites-vous de celle-ci? Je suis loin de la croire finie, et j'ai
peur meme que tout ce qu'on a fait ne serve a rien. Mais vous en avez
par-dessus la tete, vous qui avez vu tout cela. Je ne veux pas vous en
parler.
Vous me rendez heureuse en m'apprenant que vous etes plus forte que
vous ne disiez. Je le pensais bien. Vous vous exageriez votre
faiblesse. Je crois que je tiens de vous sous le rapport de la sante;
je suis sujette a de frequentes indispositions, a des souffrances
presque continuelles; mais, au fond, je suis extremement forte, comme
vous, et d'etoffe a vivre longtemps sans infirmite, en depit de tous
ces _arias_ de bobos.
Soignez-vous bien, mais ne vous figurez donc pas que vous avez cent
ans; toutes les femmes de votre age ont l'air d'avoir vingt ans de
plus que vous. En ne vous affectant pas, en ne vous laissant pas
gagner par l'ennui et la tristesse, vous serez longtemps jeune.
Restez pres de ma soeur tant qu'elle aura besoin de vous et que vous
vous plairez dans ce pays. Des que vous eprouverez le besoin de
changer de place et la force de le faire, venez ici. Vous y resterez
dix ans si vous vous y trouvez bien, huit jours si vous vous ennuyez.
Vous serez libre comme chez vous, vous vous leverez, vous vous
coucherez, vous serez seule, vous aurez du monde, vous mangerez comme
bon vous semblera, vous n'aurez qu
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