ez aussi l'oeil sur ma petite
pataude et l'oreille a ses cris. Je vous ai deja dit tout cela. Je
suis rabacheuse et ennuyeuse comme toutes les vieilles. Vous me le
pardonnerez; car vous avez une mere aussi, et, si vous etiez malade
chez moi, je vous soignerais comme elle-meme. Je vous ai confie mon
bien le plus precieux, vous m'avez promis d'en etre responsable.
Repondez bien a toutes mes questions, repetez dix fois la meme chose
sans vous, lasser, et ne laissez pas passer deux jours sans me tenir
au courant. Vous me prouverez ainsi que vous avez autant d'amitie pour
moi que j'en ai pour vous.
Je pense repartir vers le milieu de la semaine prochaine. Ecrivez
jusqu'a ce que je vous avertisse. Adieu.
Soignez aussi mon bengali, et dites-moi s'il n'etait pas mort de soif
quand vous etes arrive. Tenez un peu compagnie a ma pauvre Emilie [1],
qui s'ennuie souvent. Je sais que vous etes bon, attentif et
obligeant.
Je compte sur vous pour me remplacer en toute chose.
AURORE DUDEVANT.
[1] Madame Hippolyte Chatiron, belle soeur de Georges Sand.
XXXIII
AU MEME
Perigueux, 8 decembre 1829.
Mon cher Jules,
J'ai recu trois lettres de vous. J'ai ecrit ce matin a mon frere pour
lui recommander de vous donner ma clef tant que vous voudriez. On n'a
pas compris que je le recommandais en partant, ou, dans l'agitation de
ce moment, je ne me suis peut-etre pas bien expliquee. C'etait
pourtant mon intention, recevez-en mes excuses. Du reste, vous avez
eu, j'espere, a votre disposition la clef de la grande bibliotheque
vous avez pu lire a votre aise. Si l'on n'a pas fait de feu dans votre
chambre, c'est bien votre faute. Il tenait qu'a vous d'en allumer, et
vous n'etes pas si niais, je pense, que d'y mettre de la discretion.
Recommandez donc bien mon bengali et veillez a ce qu'il soit bien
tenu; car, si je le retrouve mal soigne, je ferai un train du diable a
Andre [1]. Faites faire du feu tous les jours dans mon petit reduit,
afin qu'en y rentrant, ce qui aura lieu a la fin de la semaine, je ne
le trouve pas froid comme glace. Priez aussi mon frere de monter
souvent Liska [2].
J'ai commence par ou je voulais finir; mais j'ai bien fait, car les
petites choses qu'on remet, on les oublie, et les grandes ne sont pas
pressees, vu qu'on ne les oubliera pas. Parlons donc de mes enfants.
Ma fille est enrhumee, dites-vous? Si elle l'etait trop, faites-lui le
soir un lait d'amande, v
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