ous avez ce petit talent; mettez y quelques
gouttes d'eau de fleurs d'oranger, et une demi-once de sirop de gomme.
Maurice lit donc bien? Cela me fait plaisir, c'est pourquoi je lui
ecris. Je ne peux vous en dire davantage, le temps me presse.
Ma sante se maintient bonne, et, d'ailleurs, je suis en humeur de
chanter le _Nunc dimittis_. Vous ne savez pas, heretique, ce que cela
signifie? Je vous le dirai. Bonsoir. Merci de votre exactitude, merci
du fond du coeur. Rien ne m'est si doux que de recevoir des nouvelles
de ma chere famille. Soignez toujours mon Maurice.
Adieu; ne m'ecrivez plus, je pars incessamment.
AURORE DUDEVANT
[1] Domestique de la maison.
[2] Jument de selle de George Sand.
XXXIV
A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS
Nohant, 29 decembre 1829
Ma chere petite maman,
Je viens vous souhaiter une bonne sante et tout ce qu'on peut
souhaiter de meilleur pour tout le courant de l'annee ou nous entrons
et pour toutes celles de votre vie; faites qu'il venait beaucoup. Pour
cela, soignez-vous bien et menez joyeuse vie...
Que faites-vous de mon mari? vous mene-t-il au spectacle? est-il gai?
est-il bon enfant? Il nous a mande qu'il serait de retour cette
semaine; mais je doute que ses affaires lui permettent de tenir cet
engagement. Profitez de son bras, pendant que vous l'avez, faites-le
rire; car il est toujours triste comme un bonnet de nuit quand il est
a Paris. Faites-vous promener, si le temps le permet toutefois. Ici,
nous sommes sous la neige comme des marmottes. Nous passons notre vie
a nous chauffer et a dire des folies. Nous ne faisons rien, et
pourtant les journees sont encore trop courtes. Hippolyte est d'une
gaiete intarissable; sa femme se porte assez bien ici, et nos enfants
nous occupent beaucoup. Ils lisent parfaitement. Hippolyte est maitre
d'ecriture; moi, je suis maitresse de musique.
Ma fille n'est pas tout a fait aussi avancee; mais elle commence a
parler anglais et a marcher. Elle a une bonne qui lui parle espagnol
et anglais. Si cela pouvait continuer, elle apprendrait plusieurs
langues sans s'en apercevoir. Mais je ne suis pas tres contente de
mademoiselle _Pepita_ (c'est ainsi que se nomme l'heroine), et je ne
sais si je la garderai longtemps. Elle est sale et paresseuse comme
une veritable Castillane. Ma petite Solange est pourtant bien fraiche
et bien portante. Elle sera, je crois, tres jolie; elle ressemble,
dit-on, a Maurice
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