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30. Ma chere petite maman, J'ai recu votre lettre depuis quelques jours, et j'y aurais repondu tout de suite, sans un nouveau derangement de sante qui m'a mis assez bas. Il faudra que je songe serieusement a me mettre en etat de grace; chose qu'on fait toujours le plus tard qu'on peut, et si tard, que j'ai de la peine a croire que cela serve a quelque chose. "Voila, direz-vous, de beaux sentiments!" Vous savez que je plaisante, et qu'en etat de sante ou de maladie, je suis toujours la meme, quant au moral; ma gaiete n'en est meme pas alteree. Je prends le temps comme il vient, comptant sur l'avenir, sur mes forces physiques, sur la bonne envie que j'ai de vivre longtemps pour vous aimer et vous soigner. Heureusement vous etes toujours jeune et vous pouvez encore mener longtemps la vie de garcon; mais un jour viendra, madame ma chere mere, ou vous n'aurez plus de si beaux yeux, ni de si bonnes dents; il faudra bien alors que vous reveniez a nous. C'est la que je vous attends, au coin du feu de Nohant, enveloppee de bonnes couvertures et enseignant a lire aux enfants de Maurice et a ceux de Solange; moi-meme, je ne serai plus alors tres allante, et, si ma pauvre sante detraquee me mene jusque-la, je ne serai pas fachee d'accaparer l'autre chenet; c'est alors que nous raconterons de belles histoires qui n'en finiront pas et nous endormiront alternativement. Je serai, moi, beaucoup plus vieille que mon age; car deja, avec une dose de sciatique et de douleurs comme celles qui me pesent sur les epaules, je gagerais que vous etes plus jeune que moi. Ainsi donc, chere mere, comptez que nous vieillirons ensemble et que nous serons juste au meme point. Puissions-nous finir de meme et nous en aller de compagnie la-bas, le meme jour! Adieu, chere maman; je laisse la plume a Hippolyte; je ne puis pas ecrire sans me fatiguer beaucoup. Mon etourdi se charge de vous raconter nos amusements. XXXVII A M. JULES BOUCOIRAN, A CHATEAUROUX Nohant, 1er mars 1830. Mon cher enfant, Il me semblait que vous nous aviez oublies. Je suis bien aise de m'etre trompee. Vous seriez fort ingrat, si vous ne repondiez pas a l'amitie sincere que je vous ai temoignee et que vous m'avez paru meriter. Je crois que vous y repondez en effet, puisque vous me le dites, et je suis sensible a la maniere simple et affectueuse dont vous exprimez votre affection. Vous vous applaudissez d'avoir trouve une
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