iffure languit, le cheveu deperit, le fer
a friser dort inutile sur les tisons refroidis. La main de Laurent[1],
glacee par l'age et le chagrin, tombe inactive a son cote. Les touffes
invisibles et les cache-peignes moisissent sans eclat dans la boutique
de Darnaut[2]. L'usage des peignes commence a se perdre, la brosse
tombe en desuetude et la garnison menace de s'emparer de la place. Ton
depart nous a apporte une plaie d'Egypte bien connue.
Quant a votre amie infortunee, ne sachant que faire pour chasser
l'ennui aux lourdes ailes, fatiguee de la lumiere du soleil, qui
n'eclaire plus nos promenades savantes et nos graves entretiens aux
Couperies, elle a pris le parti d'avoir la fievre et un _bon_
rhumatisme, seulement pour se distraire et passer le temps. Vous
ririez, mes camarades, si vous pouviez me voir sortir de ma chambre,
non pas comme l'Aurore aux ailes empourprees attelant d'une main
legere les chevaux du classique Phebus, dont la perruque rousse a fait
vivre les poetes pendant plusieurs siecles, mais comme la marmotte
engourdie que le Savoyard tire de sa boite et fait danser a grands
coups de baton, pour la mettre en train et lui donner l'air enjoue.
C'est ainsi que je me traine, moi qui naguere aurais defie, sur ma
bonne Lyska, un parti de miguelets. Maintenant, empaquetee de
flanelles et fraiche comme une momie dans ses bandelettes, je voyage,
en un jour, de mon cabinet au salon, et une de mes jambes est aupres
de la cheminee dudit appartement, que l'autre est encore dans la salle
a manger. Si cet etat facheux continue, je vous prie de m'acheter une
de ces brouettes dans lesquelles on voiture les culs-de-jatte dans les
rues de Paris; nous y attellerons Brave, et nous parcourrons ainsi les
villes et les campagnes, pour attirer la pitie des ames sensibles.
Fleury fera des tours de force, et Charles avalera des epees comme les
jongleurs indiens, ou des souris comme Jacques de Falaise; on lui
laissera le choix.
Et, a propos de Brave, je viens de lui rendre visite dans sa niche.
Apres les politesses d'usage, je lui ai lu le paragraphe de votre
lettre qui le concerne. Il eh a ete fort mecontent, et, me suivant
dans mon cabinet, ou il est presentement etendu devant le feu, il m'a
prie d'ecrire sous sa dictee une reponse aux accusations dont vous le
chargez. Je souscris a sa demande, et vous quitte pour servir
d'interprete a ce bon animal.
Adieu donc, mes chers camarades; ecrivez-moi souvent. Quelque betes
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