ctes, de mes joues amaigries!
Depuis ton depart,--o blond Charles, jeune homme aux reveries
melancoliques, au caractere sombre comme un jour d'orage, infortune
misanthrope qui fuis la frivole gaiete d'une jeunesse insensee, pour
te livrer aux noires meditations d'un cerveau ascetique, les arbres
ont jauni, ils se sont depouilles de leur brillante parure. Ils ne
voulaient plus charmer les yeux de personne. L'hote solitaire des
forets desertes, le promeneur melancolique des sentiers ecartes et
ombreux n'etant plus la pour les chanter, ils sont devenus secs comme
des fagots et tristes comme la nature, veuve de toi, o jeune homme.
Et toi, gigantesque Fleury, homme aux pattes immenses, a la barbe
effrayante, au regard terrible; homme des premiers siecles, des
siecles de fer; homme au coeur de pierre, homme fossile, homme
primitif, homme normal, homme anterieur a la civilisation, anterieur
au deluge! depuis que ta masse immense n'occupe plus, comme les dieux
d'Homere, l'espace de sept stades dans la contree, depuis que ta
poitrine volcanique n'absorbe plus l'air vital necessaire aux
habitants de la terre, le climat du pays est devenu plus froid, l'air
plus subtil. Les _vents_ qu'emprisonnaient tes poumons, les tempetes
qui se brisaient contre ton flanc comme au pied d'une chaine de
montagnes, se sont dechaines avec furie le jour de ton depart. Toutes
les maisons de la Chatre out ete ebranlees dans leurs fondements, le
moulin a vent a tourne pour la premiere fois, quoique n'ayant ni
ailes, ni voiles, ni pivot. La perruque de M de la Genetiere a ete
emportee par une bourrasque au haut du clocher, et la jupe de madame
Saint-O... a ete relevee a une hauteur si prodigieuse, que le grand
Chicot assure avoir vu sa jarretiere.
Et toi, petit Sandeau! aimable et leger comme le colibri des savanes
parfumees! gracieux et piquant comme l'ortie qui se balance au front
battu des vents des tours de Chateaubrun! depuis que tu ne traverses
plus avec la rapidite d'un chamois, les mains dans les poches, la
petite place ou tu semas si genereusement cette plante pectorale qu'on
appelle le _pas d'ane_ et dont Felix Fauchier a fait, grace a toi, une
ample provision pour la confection du sirop de quatre fleurs, les
dames de la ville ne se levent plus que comme les chauves-souris et
les chouettes, au coucher du soleil: elles ne quittent plus leur
bonnet de nuit pour se mettre a la fenetre, et les papillotes ont pris
racine a leurs cheveux. La co
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