tait au moment de s'en
aller quand il nous a tous reconnus.
Enfin la soiree a ete tres bouffonne et vous aurait divertie, je gage;
peut-etre auriez-vous ete tentee de prendre aussi le bavolet, et je
parie qu'il n'y aurait pas eu d'yeux noirs qui vous le disputassent
encore.
Comptez-vous retourner bientot a Paris, chere maman, et etes-vous
toujours contente du sejour de Charleville? Embrassez bien ma soeur
pour moi, ainsi que le cher petit Oscar. Casimir vous presente ses
tendres hommages, et moi je vous prie de penser un peu a nous quand le
printemps reviendra.
Donnez-nous de vos nouvelles, chere maman, et recevez mes
embrassements.
[1] Mere de Charles Duvernet, amie de la famille de peres en fils.
[2] Saint-Chartier (Indre), village pres de Nohant.
[3] Domestique de George Sand.
[4] Diminutif de Sylvain Biaud.
[5] Ursule Josse, femme de chambre de George Sand.
VIII
A MADAME LA BARONNE DUDEVANT
EN SA TERRE DE POMPIEY, PAR LE PORT-SAINTE-MARIE (LOT-ET-GARONNE)
Nohant, 30 avril 1826.
Nous avons recu votre bonne lettre, chere madame, et appris avec
chagrin le triste evenement[1] qui vient encore de vous environner de
tristesse et de reveiller celle, deja si profonde, que vous eprouviez.
Nous apprecions et nous sentons votre douloureuse et triste situation
avec la crainte amere de ne pouvoir l'adoucir, puisque rien ne saurait
remplacer ce que vous avez perdu et que nulle consolation ne peut
arriver, je le sens, jusqu'a votre coeur brise. C'est en vous-meme,
c'est dans cette force morale que vous possedez, ou plutot c'est dans
la profondeur de votre mal, que vous trouvez le moyen de le supporter.
Si j'ai bien compris votre souffrance, nulle distraction, nul
temoignage d'interet ne sont assez puissants pour vous apporter un
instant d'oubli. Vous les recevez avec douceur et bonte, mais ils ne
sauraient vous faire un bien veritable.
Ce sont vos tristes pensees qui seules vous font jouir d'un triste
plaisir. Plus vous les sondez, moins elles doivent vous paraitre
ameres. Vos souvenirs n'ont rien que de doux. Vous aviez entoure toute
son existence de tant de soins et de douceurs! Son bonheur, ce bonheur
inexprimable d'une union si parfaite, c'etait l'oeuvre de toute votre
vie. Ah! je crois que, quand il reste des regrets sans aucun remords,
la douleur a ses charmes pour une ame comme la votre.
Notre voyage a ete fecond en evenements dont aucun cependant n'
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