uleurs et par surcroit une
fluxion de chaque cote du visage dans ce moment-ci. Mais le printemps,
s'il veut se depecher de venir, mettra ordre aux affaires.
Je vous dirai, chere maman, que, si vous etiez venue passer le
carnaval ici, vous ne vous seriez pas du tout ennuyee. Nous avons des
bals charmants et nous passons des deux et trois nuits par semaine a
danser. Ce n'est pas ce qui me repose, ni meme ce qui m'amuse le
mieux; mais il y a des obligations dans la vie qu'il faut prendre
comme elles viennent. Dernierement nous sommes sortis d'un bal chez
madame Duvernet[1] a neuf heures du matin. N'etes-vous pas emerveillee
d'une dissipation pareille? Aussi le _jubile_, traverse par tant de
fetes, n'en finit-il pas. J'espere que, dans deux ou trois ans, nous
n'en entendrons plus parler. En attendant, le cure preche tous les
dimanches matin contre le bal, et, tous les dimanches soir, on danse
tant qu'on peut.
Quand je parle de cure grognon, vous entendez bien que ce n'est pas
celui de Saint-Chartier[2] que je veux dire. Tout au contraire:
celui-la est si bon, que, s'il avait quelque soixante ans de moins, je
le ferais danser si je m'en melais.
Il est venu ici faire deux mariages dans un jour. Celui d'Andre[3],
avec une jeune fille que vous ne connaissez pas et qui entrera a notre
Service a la Saint-Jean, et celui de Fanchon, soeur d'Andre et bonne
de Maurice, avec la coqueluche du pays, le beau cantonnier
_Sylvinot_[4], que vous ne vous rappelez sans doute en aucune maniere,
malgre _ses succes_. La noce s'est faite dans nos remises, on mangeait
dans l'une, on dansait dans l'autre.
C'etait d'un luxe que vous pouvez imaginer: trois, bouts de chandelle
pour illumination, force piquette pour rafraichissements, orchestre
compose d'une vielle et d'une cornemuse, la plus criarde, par
consequent la plus goutee du pays. Nous avions invite quelques
personnes de la Chatre et nous avons fait cent mille folies, comme de
nous deguiser le soir en paysans, et si bien, que nous ne nous
reconnaissions pas les uns les autres. Madame Duplessis etait
charmante en cotillon rouge. Ursule[5], en blouse bleue et en grand
_chapiau_, etait un fort drole de galopin. Casimir, en mendiant, a
recu des sous qui lui ont ete donnes de tres bonne foi. Stephane de
Grandsaigne, que vous connaissez, je crois, etait en paysan requinque,
et, faisant semblant d'etre gris, a ete coudoyer et apostropher notre
sous-prefet, qui est un agreable garcon et qui e
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