ne largesse inutile.
En dehors de la superstition, le paysan a partout des coutumes locales
dont l'origine est fort difficile a retrouver. Le nombre en est si
grand, que nous ne saurions les classer avec ordre; nous en prendrons
quelques-unes au hasard.
Une des plus curieuses est la ceremonie des _livrees de noces_, qui
varie en France selon les provinces, et qui a ete supprimee en Berry
depuis une dizaine d'annees, a la suite d'accidents graves. Dans un
endroit precedent, nous avons raconte la ceremonie toute paienne du
chou, qui est encore en vigueur dans notre vallee Noire: c'est la
consecration du lendemain des noces. Celle des livrees etait la
consecration de la veille; elle est fort longue et compliquee, c'est
tout un drame poetique et naif qui se jouait autour et au sein de la
demeure de l'epousee.
C'est le soir, a l'heure du souper de la famille. Mais il n'y a point de
souper prepare; ce soir-la, chez la fiancee. Les tables sont rangees
contre le mur, la nappe est cachee, le foyer est vide et glace, quelque
temps qu'il fasse. On a ferme avec un soin extreme et barricade d'une
maniere formidable a l'interieur toutes les _huisseries_, portes,
fenetres, lucarne de grenier, soupirail de cave, quand, par hasard, la
maison a une cave. Personne n'entrera sans la volonte de la fiancee, ou
sans une lutte serieuse, un veritable siege; ses parents, ses amis, ses
voisins, tout son _parti_ est autour d'elle; on attend la priere ou
l'assaut du fiance.
Le _jeune marie_,--on ne dit jamais autrement, quel que soit son age,
et, en fait, c'est, chez nous, presque toujours un garconnet a qui le
poil follet voltige encore au menton,--vient la avec son monde, ses
amis, parents et voisins, son _parti_ en un mot. Pres de lui, ce porteur
de thyrse fleuri et enrubane, c'est un expert porte-broche, car, sous
ces feuillages, il y a une oie embrochee qui fait tout l'objet de la
ceremonie; autour de lui sont les porteurs de presents et les chanteurs
_fins_, c'est-a-dire habiles et savants, qui vont avoir maille a partir
avec ceux de la mariee.
Le marie s'annonce par une decharge de coups de feu; puis, apres qu'on a
bien cherche, mais inutilement, un moyen de s'introduire dans la place
par surprise, on frappe.--Qui va la?--Ce sont de pauvres pelerins bien
fatigues ou des chasseurs egares qui demandent place au foyer de la
maison.--On leur repond que le foyer est eteint, et qu'il n'y a pas
place pour eux a table; on les injure, on l
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