es traite de malfaiteurs et
de mauvaises gens, sans feu ni lieu; on parlemente longtemps; le
dialogue, toujours pittoresque, est parfois rempli d'esprit et meme de
poesie; enfin on leur conseille de chanter pour se desennuyer, ou pour
se rechauffer si c'est une nuit d'hiver, mais a condition qu'on chantera
quelque chose d'inconnu a la compagnie qui, du dedans, les ecoute.
Alors, une lutte lyrique commence entre les chanteurs du marie et ceux
de la mariee, car elle aussi a ses _chanteux fins_, et, de plus, ses
chanteuses expertes, matrones a la voix chevrotante, a qui l'on n'en
impose point en donnant du vieux pour du neuf. Si l'on connait, au
dedans, la chanson du dehors, on l'interrompt des le premier vers en
chantant la second, et vite, il faut passer a une autre. Trois heures
peuvent fort bien s'ecouler, au vent et a la pluie, avant que le parti
du marie ait pu achever un seul couplet, tant est riche le repertoire
des chansons berrichonnes, tant la memoire des beaux chanteurs est
ornee; chaque replique victorieuse du dedans est accompagnee de grands
eclats de rire d'un cote, de maledictions de l'autre. Enfin l'un des
partis est vaincu, et l'on passe a la chanson des noces:
Ouvrez la porte, ouvrez,
Mariee, ma mignonne!
J'ons de beaux rubans a vous presenter.
Helas! ma mie, laissez-nous entrer.
A quoi les femmes repondent en fausset:
Mon pere est en chagrin,
Ma mere en grand' tristesse;
Moi, je suis une fille de trop grand prix
Pour ouvrir ma porte a ces heures-ci.
Si les paroles sont naives et la versification par trop libre, en
revanche l'air est magnifique dans sa solennite simple et large. Il faut
chanter dehors autant de couplets, et nommer chaque fois autant d'objets
differents, au troisieme vers, qu'il y a de cadeaux de noces.
Ces cadeaux du marie sont ce qu'on appelle les _livrees_. Il faut
annoncer jusqu'au _cent d'epingles_ oblige qui fait partie de cette
modeste corbeille de mariage a quoi la mariee incorruptible fait
repondre invariablement que son pere est en chagrin, sa mere en grande
tristesse, et qu'elle n'ouvre point sa porte a pareille heure.
Enfin arrive le couplet final, ou il est dit: _J'ons un beau mari a vous
presenter_, et la porte s'ouvre; mais c'est le signal d'une melee
etrange: le marie doit prendre possession du foyer domestique; il doit
planter la broche et allumer le feu; le parti de la mariee s'y oppose,
et ne cedera qu'a la force; les
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