[Note 132: Pendant la traversee, les vaisseaux et les fregates etaient
obliges chaque jour de mettre en panne pour attendre les batiments de
transport. Le 25 mai, la gabarre l'_Isle-de-France_ dut remorquer le
transport _Baron d'Arras_. (Blanchard.)]
[Note 133: D'Estaing eut a essuyer le meme reproche en plusieurs
circonstances. Sa conduite aurait du au contraire tourner a sa gloire.
(Voir sur ce sujet et sur la rehabilitation de d'Estaing, _Histoire
impartiale de la derniere guerre_, par J. de Saint-Vallier.)
Pour ne pas avoir agi avec la meme prudence et pour avoir prefere la
vaine gloire de soutenir une lutte sans utilite a celle de sauver un
immense convoi dont il avait la garde, M. de Guichen, parti de Brest
le 10 decembre 1781 avec dix-neuf vaisseaux de guerre, se laissa
enlever en vue des cotes d'Afrique par l'amiral anglais Kempenfeld,
une grande partie des batiments de transports qu'il avait pour mission
d'escorter et de proteger. Mais ce n'est pas la un fait isole. A cette
epoque, l'escorte des navires etait devenue pour les officiers de la
marine royale une chose secondaire, une fonction indigne de leur rang
et de leurs titres.
Des 1781, l'abbe Raynal, dans son ouvrage intitule: _Des Revolutions
en Amerique_, publie a Londres, reclamait contre ce prejuge trop
puissant parmi les commandants des flottes francaises.
"Officiers de marine, dit-il, vous vous croyez avilis de proteger,
d'escorter le commerce! Mais si le commerce n'a plus de protecteurs,
que deviendront les richesses de l'Etat, dont vous demandez sans doute
une part pour recompense de vos services? Quoi, avilis en vous rendant
utiles a vos concitoyens! Votre poste est sur les mers comme celui
des magistrats sur les tribunaux, celui de l'officier et du soldat de
terre dans les camps, celui du monarque meme sur le trone, ou il ne
domine de plus haut que pour voir de plus loin et embrasser d'un coup
d'oeil tous ceux qui ont besoin de sa protection et de sa defense.
Apprenez que la gloire de conserver vaut encore mieux que celle de
detruire. Dans l'antique Rome, on aimait aussi la gloire, cependant
on y preferait l'honneur d'avoir sauve un seul citoyen a l'honneur
d'avoir egorge une foule d'ennemis....
"Les maximes consacrees a Portsmouth etaient bien opposees. On y
sentait, on y respectait la dignite du commerce. On s'y faisait un
devoir comme un honneur de le defendre, et les evenements deciderent
laquelle des deux marines militaires avait de
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