l nous quitta pour
retourner a son quartier general, pres de West-Point, je recus
l'agreable mission de l'accompagner a Providence. Nous arrivames de
nuit a cette petite ville; toute la population etait accourue au dela
du faubourg; une foule d'enfants portant des torches et repetant les
acclamations des citoyens nous entouraient; ils voulaient tous toucher
celui qu'a grands cris ils appelaient leur pere, et se pressaient
au-devant de nos pas au point de nous empecher de marcher. Le general
Washington attendri s'arreta quelques instants et, me serrant la main,
il me dit: "Nous pourrons etre battus par les Anglais, c'est le sort
des armes; mais voila l'armee qu'ils ne vaincront jamais."
M. George W. P. Custis, petit-fils de Mme Washington, a publie
(_Frederick Md. Examiner_, 18 aout 1857) une lettre dans laquelle il
soutient que Washington recut effectivement du gouvernement francais
le titre de marechal de France, et il appuie son assertion en citant
la dedicace manuscrite d'une gravure offerte par le comte Buchan au
"marechal-general Washington". Mais les instructions donnees par la
cour de Versailles a Rochambeau (Sparks, 1835, VII, 493) etaient assez
precises pour eviter tout conflit d'autorite ou de preseance entre le
generalissime americain et les officiers superieurs francais: elles
rendaient inutile la nomination de Washington a un grade dont le titre
associe a son nom fait le plus singulier effet. (Voir aussi _Maryland
Letters_, p. 114.)]
XIII
Pendant que ces faits se passaient en Amerique, l'Amazone, partie
le 28 octobre sous les ordres de La Perouse, avec le vicomte de
Rochambeau et les depeches du chevalier de Ternay, vint debarquer
a Brest. La situation etait un peu changee. M. de Castries avait
remplace M. de Sartines au ministere de la marine; M. de Montbarrey, a
la guerre, etait remplace par M. de Segur. Les Anglais avaient declare
brusquement la guerre a la Hollande et s'etaient empares de ses
principales possessions. La France faisait des preparatifs pour
soutenir ces allies. Ces circonstances reunies avaient detourne
l'attention de ce qui se passait en Amerique. Le roi donna neanmoins
a M. de La Perouse l'ordre de repartir sur-le-champ sur l'_Astree_,
fregate qui etait la meilleure voiliere de Brest, et de porter en
Amerique quinze cent mille livres qui etaient deposees a Brest depuis
six mois pour partir avec la seconde division. Il retint le colonel
Rochambeau a Versailles jusqu'a ce qu'
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