proprete qu'a la ville: c'est un usage qui tient au
pays. Notre aubergiste etait un capitaine. Les differents grades etant
accordes ici a tous les etats, ou plutot l'etat militaire n'y etant
pas une carriere, il y a des cordonniers colonels, et il arrive
souvent aux Americains de demander aux officiers francais quelle est
leur profession en France[162].
[Note 162: On connait cette anecdote: "Un Americain demandait a un
officier superieur francais ce qu'il faisait en France.--Je ne fais
rien, dit celui-ci.--Mais votre pere?--Il ne fait rien non plus _ou_
il est ministre.--Mais ce n'est pas un etat!--Mais j'ai un oncle
qui est marechal.--Ah! c'est un tres-bon metier."--L'anecdote est
peut-etre inventee; les uns l'attribuent a Lauzun, d'autres a de Segur
ou a de Broglie. Mais elle peint bien les moeurs americaines.]
"Le pays que j'ai parcouru dans ces quinze milles ressemble beaucoup
a la Normandie entre Pont-d'Ouilly et Conde-sur-Noireau; il est
tres-couvert, tres-montueux et coupe de nombreux ruisseaux. Les terres
cultivees que l'on y rencontre sont entourees de murs de pierres que
l'on a posees les unes sur les autres, ou de palissades de bois.
"Le 9 au matin je suis parti de mon gite pour me rendre a Newport. Le
pays m'a paru moins couvert, mais aussi peu cultive que la veille. Au
total, il n'est pas habite. Les villages sont immenses; il y en a qui
ont quatre, cinq et meme quinze et vingt milles de long, les
maisons etant eparses. Je suis passe a Bristol, qui etait une ville
tres-commercante avant la guerre; mais les Anglais, en se retirant,
ont brule plus des trois quarts des maisons, qui ne sont pas encore
retablies. J'ai enfin passe le bac de Bristol-Ferry, qui separe
Rhode-Island du continent; le bras de mer a pres d'un mille[163].
[Note 163: Un kilometre six cent neuf metres environ.]
"Rhode-Island est, dans sa plus grande longueur, tout au plus de
quinze milles", et l'endroit le plus large de l'ile est de cinq. Ce
devait etre un des endroits du monde les plus agreables avant la
guerre, puisque, malgre ses desastres, quelques maisons detruites
et tous ses bois abattus, elle offre encore un charmant sejour. Le
terrain est fort coupe, c'est-a-dire que tous les terrains des divers
proprietaires sont enclos ou de murs de pierres entassees ou de
barrieres de bois. Il y a quelques terres defrichees dans lesquelles
le seigle et les differents grains viennent a merveille; on y cultive
aussi le mais. Il y a enco
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