te avec son convoi. "Il prefera,
dit Rochambeau, la conservation de son convoi a la gloire personnelle
d'avoir pris un vaisseau ennemi." Sa conduite fut jugee tout autrement
par les officiers francais, et une circonstance du meme genre vint
bientot encore augmenter le mecontentement de l'armee contre cet
officier[129].
[Note 129: Le _Neptune_ eut, dans l'affaire du 20 juin 1780, deux
hommes tues et cinq ou six blesses; le _Duc-de-Bourgogne_, autant; en
tout, vingt et un hommes hors de combat. (Blanchard.)]
On sut plus tard que la fregate que l'on avait failli prendre etait
le _Rubis_, de 74 canons, et que l'escadre dont elle faisait partie,
commandee par le capitaine Cornwallis[130], retournait a la Jamaique
apres avoir escorte cinquante vaisseaux marchands jusqu'a la hauteur
des Bermudes. Le capitaine du _Jazon_, M. de la Clochetterie, avait
hautement blame pendant le combat la faute qu'avait commise M. de
Ternay en faisant diminuer de voiles ses deux vaisseaux de tete, ce
qui avait donne au _Rubis_ le temps de se degager et de rejoindre sa
ligne. Appele au conseil qui fut tenu, a la suite de ce combat, a bord
du vaisseau amiral, et interroge a son tour sur ce qu'il pensait de la
destination de l'escadre anglaise: "C'est trop tard, dit-il, monsieur
l'amiral, j'aurais pu vous le dire hier au soir; il a dependu de vous
d'interroger le capitaine du _Rubis_[131]."
[Note 130: L'escadre aux ordres du capitaine Cornwallis etait composee
des cinq vaisseaux: l'_Hector_ et le _Sultan_ de 74 canons, le _Lion_
et le _Rubis_ de 64, le _Bristol_ de 30 et la fregate le _Niger_ de
32. (Dumas.)]
[Note 131: Ces paroles, qui traduisaient le mecontentement du brave
marin, etaient un de ces actes d'insubordination qu'on laissait passer
inapercus et auxquels les officiers superieurs prenaient peu garde a
cette epoque. J'aurai encore l'occasion de citer plusieurs exemples
semblables. V. p. 8, _Mercure de Grasse_.]
M. de Ternay suivait scrupuleusement dans sa conduite les instructions
qu'il avait recues. Il ne perdait pas de vue sa mission, qui
consistait a amener aux Etats-Unis le corps expeditionnaire le plus
vite et le plus surement possible[132]. Cependant, quand il apprit
plus tard que ces vaisseaux anglais allaient rejoindre aux iles du
Vent la flotte de Rodney et lui donner ainsi la superiorite sur celle
de M. Guichen pour toute la campagne, il en ressentit un si profond
chagrin que sa mort, parait-il, en fut hatee[133].
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