s du
monde.
--La duchesse de Guermantes semble tres intelligente. Nous parlions tout
a l'heure d'une guerre possible. Il parait qu'elle a la-dessus des
lumieres speciales.
--Elle n'en a aucune, me repondit sechement M. de Charlus. Les femmes,
et beaucoup d'hommes d'ailleurs, n'entendent rien aux choses dont je
voulais parler. Ma belle-soeur est une femme charmante qui s'imagine
etre encore au temps des romans de Balzac ou les femmes influaient sur
la politique. Sa frequentation ne pourrait actuellement exercer sur vous
qu'une action facheuse, comme d'ailleurs toute frequentation mondaine.
Et c'est justement une des premieres choses que j'allais vous dire quand
ce sot m'a interrompu. Le premier sacrifice qu'il faut me faire--j'en
exigerai autant que je vous ferai de dons--c'est de ne pas aller dans le
monde. J'ai souffert tantot de vous voir a cette reunion ridicule. Vous
me direz que j'y etais bien, mais pour moi ce n'est pas une reunion
mondaine, c'est une visite de famille. Plus tard, quand vous serez un
homme arrive, si cela vous amuse de descendre un moment dans le monde,
ce sera peut-etre sans inconvenients. Alors je n'ai pas besoin de vous
dire de quelle utilite je pourrai vous etre. Le "Sesame" de l'hotel
Guermantes et de tous ceux qui valent la peine que la porte s'ouvre
grande devant vous, c'est moi qui le detiens. Je serai juge et entends
rester maitre de l'heure.
Je voulus profiter de ce que M. de Charlus parlait de cette visite chez
Mme de Villeparisis pour tacher de savoir quelle etait exactement
celle-ci, mais la question se posa sur mes levres autrement que je
n'aurais voulu et je demandai ce que c'etait que la famille
Villeparisis.
--C'est absolument comme si vous me demandiez ce que c'est que la
famille: "rien" me repondit M. de Charlus. Ma tante a epouse par amour
un M. Thirion, d'ailleurs excessivement riche, et dont les soeurs
etaient tres bien mariees et qui, a partir de ce moment-la, s'est appele
le marquis de Villeparisis. Cela n'a fait de mal a personne, tout au
plus un peu a lui, et bien peu! Quant a la raison, je ne sais pas; je
suppose que c'etait, en effet, un monsieur de Villeparisis, un monsieur
ne a Villeparisis, vous savez que c'est une petite localite pres de
Paris. Ma tante a pretendu qu'il y avait ce marquisat dans la famille,
elle a voulu faire les choses regulierement, je ne sais pas pourquoi. Du
moment qu'on prend un nom auquel on n'a pas droit, le mieux est de ne
pas simu
|