'Europe. Or l'entourage de l'un d'eux veut le guerir de
sa chimere. Cela est une chose tres grave et peut nous amener la guerre.
Oui, Monsieur, parfaitement. Vous connaissez l'histoire de cet homme qui
croyait tenir dans une bouteille la princesse de la Chine. C'etait une
folie. On l'en guerit. Mais des qu'il ne fut plus fou il devint bete. Il
y a des maux dont il ne faut pas chercher a guerir parce qu'ils nous
protegent seuls contre de plus graves. Un de mes cousins avait une
maladie de l'estomac, il ne pouvait rien digerer. Les plus savants
specialistes de l'estomac le soignerent sans resultat. Je l'amenai a un
certain medecin (encore un etre bien curieux, entre parentheses, et sur
lequel il y aurait beaucoup a dire). Celui-ci devina aussitot que la
maladie etait nerveuse, il persuada son malade, lui ordonna de manger
sans crainte ce qu'il voudrait et qui serait toujours bien tolere. Mais
mon cousin avait aussi de la nephrite. Ce que l'estomac digere
parfaitement, le rein finit par ne plus pouvoir l'eliminer, et mon
cousin, au lieu de vivre vieux avec une maladie d'estomac imaginaire qui
le forcait a suivre un regime, mourut a quarante ans, l'estomac gueri
mais le rein perdu. Ayant une formidable avance sur votre propre vie,
qui sait, vous serez peut-etre ce qu'eut pu etre un homme eminent du
passe si un genie bienfaisant lui avait devoile, au milieu d'une
humanite qui les ignorait, les lois de la vapeur et de l'electricite. Ne
soyez pas bete, ne refusez pas par discretion. Comprenez que si je vous
rends un grand service, je n'estime pas que vous m'en rendiez un moins
grand. Il y a longtemps que les gens du monde ont cesse de m'interesser,
je n'ai plus qu'une passion, chercher a racheter les fautes de ma vie en
faisant profiter de ce que je sais une ame encore vierge et capable
d'etre enflammee par la vertu. J'ai eu de grands chagrins, Monsieur, et
que je vous dirai peut-etre un jour, j'ai perdu ma femme qui etait
l'etre le plus beau, le plus noble, le plus parfait qu'on put rever.
J'ai de jeunes parents qui ne sont pas, je ne dirai pas dignes, mais
capables de recevoir l'heritage moral dont je vous parle. Qui sait si
vous n'etes pas celui entre les mains de qui il peut aller, celui dont
je pourrai diriger et elever si haut la vie? La mienne y gagnerait par
surcroit. Peut-etre en vous apprenant les grandes affaires diplomatiques
y reprendrais-je gout de moi-meme et me mettrais-je enfin a faire des
choses interessantes o
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