n'etaient
pas tout a fait hors de service, d'Assoucy, mis a la chaine comme un
animal domestique, cria, s'agita, ecuma, puis pleura, puis s'apaisa; il
avait eu le temps de comprendre que, dans sa nouvelle condition, le plus
sage etait de se soumettre au joug de la necessite et d'attendre une
occasion favorable pour s'y soustraire, en prenant sa revanche, s'il
etait possible, contre son odieux bourreau. Il promit donc d'obeir
desormais aux volontes du despote qu'il s'etait donne, mais il se promit
tout bas a lui-meme de se derober a cet ignoble asservissement. Helas!
le pauvre garcon ne savait pas encore jusqu'ou irait sa misere.
[Illustration: L'apparition d'un musicien negre.]
Le lendemain, il suivit, en silence et la tete basse, Fagottini, qui
avait, ce jour-la, le regard plus louche et plus faux, le sourire
plus moqueur, le teint plus enlumine et l'abord plus impudent qu'a
l'ordinaire; tous deux monterent sur le theatre, veuf de ses acteurs
mecaniques, et la toile fut tiree, aux sons du luth que d'Assoucy
pincait dans la coulisse.
Le Savoyard et son page, enchantes du lache coup de main qu'ils avaient
fait pendant la nuit pour ruiner Fagottini, jouissaient d'avance de la
situation critique a laquelle ils croyaient avoir reduit l'inventeur des
marionnettes: ils se regarderent avec etonnement, en reconnaissant le
luth d'Assoucy qui jouait un de leurs airs; ils ne douterent pas que
leur eleve ne fut passe dans le camp de l'ennemi. Mais l'apparition
d'un musicien negre, qui remplacait le singe mort, deconcerta leurs
esperances et les decouragea tout a fait, en leur montrant que Fagottini
n'etait pas a bout de ressources, puisqu'il semblait avoir deja trouve
le moyen de faire face a la perte de son industrie. Ils se reprocherent
meme l'inutile destruction des marionnettes, lorsqu'ils virent la
curiosite du public, allechee par un nouveau spectacle, rassembler
autour du theatre de leur rival une foule plus nombreuse et plus
impatiente que jamais, dans l'attente de ce spectacle. Les assistants
cherchaient des yeux le singe et les automates de Fagottini; on
s'informait bien des causes de leur absence, attribuee a quelque
indisposition subite de ces acteurs, mais on se demandait aussi a quel
role etait destine ce negre, qu'on n'avait pas encore vu sur la scene de
Fagottini, et deja chacun s'appretait a mettre la main a la poche, pour
payer sa place et son plaisir.
Le Savoyard ne remarquait pas de si avantageuses disp
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