ard ideal plus juste que nous-memes, et lorsqu'il
vient de commettre une injustice irrecusable, notre stupeur passee, tout au
fond de notre coeur, nous lui rendons notre confiance, en nous disant que
nous ne savons pas tout ce qu'il sait, et qu'il doit avoir obei a des lois
que nous ne pouvons penetrer. Le monde nous semblerait trop noir si le
hasard n'etait pas moral. Qu'il n'y ait pas une justice ou une morale
gardienne de la notre, cela nous paraitrait la negation meme de toute
morale et de toute justice. Nous ne voulons plus de la basse et etroite
morale des chatiments et des recompenses que nous offrent les religions
positives, mais nous oublions que si le hasard etait doue du moindre
sentiment de justice, la morale haute et desinteressee que nous revons ne
serait plus possible. Si nous ne sommes pas convaincus que le hasard est
absolument sans justice, nous n'avons plus aucun merite a etre justes. Nous
refusons l'ideal des saints, et nous sommes persuades que faire son devoir
dans l'espoir d'une recompense quelconque, ne serait-ce que la satisfaction
du devoir accompli, doit avoir, aux yeux d'un Dieu sage, a peu pres la meme
valeur que faire le mal parce qu'il nous profite. Nous nous disons
volontiers que si Dieu est aussi haut que l'idee la plus haute qu'il a mise
dans l'ame des meilleurs d'entre nous, il devrait ecarter tous les hommes
qui ont voulu lui plaire, c'est-a-dire qui n'ont pas fait le bien comme
s'il n'existait pas, et qui n'ont pas aime la vertu plus que Dieu meme.
Mais, en realite, et devant le moindre evenement, nous nous apercevons que
nous sortons a peine des traites de _Morale en action_ de l'enfance, dans
lesquels tous les crimes sont punis. Il nous faudrait, au contraire, des "
recueils de vertus chatiees". Ils seraient plus utiles aux veritables ames
et entretiendraient davantage la fierte et l'energie du bien. Ne perdons
pas de vue que c'est de l'immoralite meme du hasard que doit naitre une
morale plus belle. Ici, comme partout plus l'homme se sent abandonne, plus
il retrouve la force propre de l'homme. Ce qui nous inquiete dans ces
grandes injustices, c'est la negation d'une haute loi morale; mais de cette
negation meme nait immediatement une loi morale superieure. Avec la
suppression du chatiment et de la recompense nait la necessite de faire le
bien pour le bien. Ne nous troublons jamais lorsqu'une loi morale nous
semble disparaitre; il y en a toujours une plus grande en reserve. Tout ce
qu
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