ctiques qu'on n'a pu, sans la rencontrer sur ses pas, parcourir
le champ de la logique d'Abelard. Deja nous savons comment elle s'est
introduite dans le monde; comment elle etait a la fois posee et
compliquee par les antecedents du peripatetisme scolastique; comment
enfin Abelard, intervenant entre deux opinions absolues, a pu rendre a
l'opinion tierce qu'il a soutenue une importance toute nouvelle. Il ne
l'avait pas inventee; mais il l'a rajeunie et remise en honneur: elle a
passe pour son ouvrage.
On a vu que la controverse des universaux avait sa racine dans
l'antiquite[7]. Aussitot qu'elle nait, elle doit produire le
nominalisme; car la premiere fois qu'on entre en doute sur la nature
des idees generales, ou qu'on se demande a quoi l'on pense lorsqu'on
prononce un terme general, il est naturel de se dire d'abord que l'etre
general n'existe pas et ne peut exister, puisque la sensation n'en a
jamais percu aucun, et que la raison ne peut concevoir comme reelle que
l'existence individuelle; ensuite, de conclure que la generalite n'est
qu'une maniere humaine de concevoir les choses ou de les exprimer
(conceptualisme et nominalisme). Le premier germe de cette doctrine
nous est donne par l'histoire dans l'ecole de Megare. Cette secte avait
soutenu 1 deg. que la comparaison est impossible, excepte du semblable a
lui-meme (Euclide); 2 deg. qu'une chose ne peut etre affirmee d'une autre,
puisqu'elle ne saurait lui etre identique (Stilpon); 3 deg. que celui qui
dit _homme_ ne dit personne, puisqu'il ne dit ni celui-ci, ni celui-la
(Stilpon)[8]. On voit reparaitre tous ces principes dans la scolastique
du moyen age; le second surtout se retrouve dans Abelard, qui ne savait
peut-etre pas que l'ecole megarique eut existe; et ce n'est pas sans
raison que les historiens de la philosophie placent le nom de Stilpon a
l'origine du nominalisme. Cette origine, au reste, n'est pas faite pour
lui oter cette couleur de philosophie negative et ces apparences de
tendance a l'eristique et au nihilisme que les critiques lui reprochent.
[Note 7: Voyez le c. ii du present livre, t. I, p. 344.]
[Note 8: Euclide. [Grec: Ton dia tes paraboles logon anerii, legon etoi
ex omoisin auton, e ex anomoion synistasthai], etc., Laert., I. II, c.
x.--Stilpon. [Grec: Eteron eterou me kategoristhai.... oti on oi logoi
eteroi tauta etera esti, kai eti ta etera kechoriothai allelon.]
Plutarch., adv. Coloi., xxii, xxiii.--[Grec: Anerii kai ta eioe, kai
elege
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