e des etres. Mais la theorie peut prendre
encore d'autres formes, employer d'autres arguments, et Abelard en
parcourt rapidement tous les points de vue, sans marquer toujours les
divisions naturelles de l'argumentation; il passe sans transition d'une
idee a une autre idee, d'une objection a une reponse, et quelquefois il
ne fait qu'indiquer le raisonnement, tandis qu'ailleurs il le developpe
avec complaisance. Son ouvrage ressemble a un recueil de notes destinees
a l'enseignement ou a la controverse.
Trois objections detachees qui ne rentrent pas dans l'argumentation
precedente, s'offrent encore a lui, et il les pose brievement en ces
termes:
1 deg. Tout _materiel_ est constitue completement par sa forme et sa
matiere; or la matiere de Socrate est l'espece homme, la forme est
la _socratite_, et cela suffit pour le constituer.--Mais Socrate
est aussi compose d'elements, tout corps etant compose des quatre
elements; s'ils les dissolvent, ils ne peuvent dire comment les
elements viennent se reunir dans Socrate, car ou ce sera la matiere,
ou une partie de la matiere, ou la forme, ou une partie de la forme.
Or si ce n'est rien de tout cela, un esprit raisonnable ne voit pas
comment ce peut etre la. Quoique la maison soit constituee par le
mur, le toit, le fondement et la forme, cependant nous disons qu'en
composition elle est de bois et de pierres, ce qui peut etre en
effet, parce que le bois et la pierre sont les parties des parties
de la maison.
2 deg. Les genres et les especes, etant des choses, sont ou createur ou
creature: s'ils sont crees, le createur a ete avant la creature;
ainsi Dieu a ete avant la justice et la force, qui sont sans aucun
doute en Dieu et autre chose que Dieu; donc Dieu aurait ete avant
d'etre juste et fort.--Mais quelques-uns disent que la division
de createur et creature n'est pas complete, ils preferent celle
d'engendre et d'inengendre[40]. Soit, et alors les universaux sont
dits inengendres et partant coeternels, auquel cas, chose criminelle
a dire, l'ame ne serait point soumise a Dieu, etant coeternelle a
Dieu et n'ayant ni origine ni createur. Socrate est compose de deux
coeternels a Dieu; toute creation n'est qu'une conjonction nouvelle,
car la matiere et la forme sont deux universaux, et en cette qualite
elles sont coeternelles a Dieu. La faussete est manifeste.
[Note 40: La di
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