trouve dans notre
extrait. "Singulae corporis essentiae ex materia, scilicet aliqua
essentia substantiae, et forma, corporeitate constant; quibus
indifferentes essentiae Incorporeitatem, quae forma est, species,
sustinent." _De Gen. et Spec._, p. 525.]
[Note 83: _De Gen. et Spec._, p.639.---_Timee_, trad. de M. Cousin,
p.160.]
Ces mots de notre auteur sont singuliers et expressifs, ils temoignent
d'un certain mepris pour ses confreres en dialectique, et ce mepris
cadre mal avec son estime pour la dialectique meme. Ici, comme en
quelques autres passages, on croit entrevoir que s'il avait connu une
autre philosophie, il l'aurait adoptee. Donnez-lui les ecrits de Platon,
il etait platonicien.
Quant a son raisonnement, le voici en d'autres termes. Rappelons-nous
que la genealogie des especes et des genres avait pour but de donner
la generation et la classification des etres sensibles; si donc, en
remontant l'echelle des sensibles, on est arrive a ce point ou l'etre
cesse d'etre corporel, ce qui est inevitable, on n'a pas cependant cesse
de se preoccuper uniquement de la constitution de l'etre sensible; c'est
d'elle seule qu'on a pretendu parler, c'est son principe incorporel,
ou la matiere premiere, qu'on a pretendu nommer, et ce qu'on a dit
ne s'appliquait nullement a l'esprit, dont on ne traitait pas. Cette
reponse n'est pas forte, et nous parait une excuse plutot qu'une
solution. Il reste qu'a ce degre de l'abstraction, ce qui demeure de
la substance corporelle est la notion d'un principe indifferent (_non
differens_), qui convient aussi bien au corps qu'a l'esprit; tout ce
qu'on affirme de ce principe devrait donc etre compatible avec la forme
_corps_ et avec la forme _esprit_. La difficulte est peu serieuse dans
l'hypothese du nominalisme. Si tous les genres ne sont que des vues
de l'intelligence, ils sont sans consequence, et en abstrayant
graduellement des notions d'individu, d'animal, de corps, tout ce qui
repond a l'etendue sensible, pour arriver a l'idee abstraite d'essence
pure, conciliable avec le corps comme avec l'esprit, la pensee ne risque
pas plus de spiritualiser le corps que de materialiser l'esprit; les
realites n'ont rien a gagner ni a perdre dans cette analyse des fictions
de la pensee, dans cette recherche purement verbale, que la grammaire
revendique, et qui touche peu l'ontologie. Mais Abelard n'a jamais
professe le nominalisme, il vient de le refuter au contraire. C'est un
sophisme, a-t-il d
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