l dira ce qu'il croit le
plus vrai, _tamen quod mihi verius videtur, hoc est_[80].
[Note 80: _De Gen. et Spec._, p. 638.]
Lorsque les createurs de la physique voulurent s'enquerir de la nature
des choses, ils considererent d'abord celles qui tombaient sous les
sens. Celles-ci etant toutes composees, la nature n'en pouvait etre
pleinement connue que si l'on connaissait les proprietes de leurs
composants, jusqu'a ce que l'intelligence atteignit ces parties
excessivement petites qui ne pouvaient etre divisees en parties
integrantes. L'analyse s'arretant la, il fut naturel de rechercher si
ces dernieres parties, ces essences minimes, _essentialae_, etaient
absolument simples, ou se composaient aussi de matiere et de forme. Or,
la raison trouva qu'elles etaient des corps ou chauds, ou froids, ou
autres, en un mot ayant quelque forme; car ce sont la, ce semble, les
elements purs de Platon[81]. On laissa donc de cote les formes, et l'on
examina la matiere, qui restait seule, pour savoir si elle etait
simple. Mais cette matiere, c'etait le corps, et le corps est compose
materiellement de substance, formellement de corporeite. On laissa
encore de cote la forme de la corporeite, et considerant la matiere,
c'est-a-dire la substance, on lui trouva pour matiere la pure essence
(l'existence abstraite des modernes, l'etre pur d'Hegel), et pour
forme la susceptibilite des contraires. La pure essence fut reconnue
absolument simple, c'est-a-dire comme n'etant plus composee, et pour
cette raison, elle fut appelee l'universel ou l'informe, c'est-a-dire,
non pas ce qui ne recoit point de forme, mais ce qui n'est constitue par
aucune forme.
[Note 81: On sait que Platon dans le _Timee_ ne donne pas le nom
d'elements aux corps que l'on appelle ainsi, mais qu'il les considere
eux-memes comme composes de principes ou elements qu'il reduit a des
lignes et a des figures, tant il les epure et les rarefie. Ce qu'on a
appele la geometrie corpusculaire de Platon ne pouvait etre compris
d'Abelard. (_Timee_, t. XII, trad. de M. Cousin, p. 150-161 et
suiv.--Cf. dans l'edition de M.H. Martin, les notes 65, 66 et suiv.,
t. II)]
Abelard se fait une objection: l'ame, dira-t-on, ou le principe qui
anime l'animal, se composerait donc d'un universel sans forme; car ou
elle n'existe pas, et alors l'animal n'existe pas, ou, comme l'animal
consiste materiellement dans le corps, le corps dans la substance, la
substance dans la pure essence qui est appelee
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