tion des premiers est une
critique, une consequence extreme tournee a crime, une accusation. Celle
des seconds est une doctrine avouee. Les premiers entendent que les
choses qui ne sont que des idees ne sont que des mots, des sons de la
voix. Les seconds pretendent que les universaux ne sont pas meme des
idees, mais des mots sans idees, des noms sans objet meme intellectuel.
Cette distinction assez subtile et qui, je crois, avait ete negligee,
doit etre presente a qui veut bien apprecier les opinions et les hommes
que cette controverse a mis en scene. Ainsi, il est bien permis de
soutenir encore qu'Abelard a ete nominaliste, si l'on entend par la que
du conceptualisme qu'on lui attribue au nominalisme, il y a si peu de
distance qu'on ne veut pas s'y arreter; mais il serait historiquement
faux de dire que la doctrine d'Abelard ait ete le nominalisme, et qu'il
n'ait fait que repeter Roscelin. C'est a peu pres ainsi qu'on pretend
quelquefois, du point de vue d'un catholicisme rigide, absolu, que des
qu'un homme est gallican il est janseniste, et des qu'il est janseniste,
protestant. Et cependant il y aurait mensonge a pretendre que le
gallicanisme, le jansenisme, et le protestantisme ne soient pas des
doctrines et des sectes profondement distinctes.
Attendons-nous donc a voir Abelard, abandonnant le realisme comme
vaincu, porter la guerre sur le terrain du nominalisme[54].
[Note 54: _De Gener. et Spec._, p. 522-524.]
"Abordons, dit-il, l'opinion qui veut que les genres et les especes
ne soient que des mots universels et particuliers, predicats ou
sujets, et non pas des choses.
"Il faut d'abord citer l'autorite qui affirme quo ce sont des
choses. L'espece," avons-nous vu dans Boece[55], "n'est qu'une
pensee recueillie de la similitude substantielle d'individus
numeriquement dissemblables; le genre est une pensee recueillie de
la similitude des especes." Or, qu'il regarde ces similitudes comme
des choses, c'est ce qu'il montre un peu plus haut ouvertement on
disant: "Il y a de telles _choses_ dans les etres corporels et
dans les sensibles; l'intelligence en concoit au dela des objets
sensibles[56]." Le meme Boece dit encore: "Puisque les premiers
genres des _choses_ sont au nombre de dix, il fallait necessairement
que ce fut aussi le nombre des mots simples qui se diraient des
_choses_ simples[57]." Mais eux, par les genres, ils expliquent
qu'il faut ent
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