it, que de pretendre que les genres et les especes
ne sont rien, et c'est pourquoi il se borne a une explication qui peut
servir d'apologie aux physiciens, et il se reserve sur le fond des
choses.
Il revient donc a l'autre objection, celle qu'il appelle la question des
elements. C'est elle, en effet, qu'il s'est posee d'abord; celle qui est
relative a l'ame est venue incidemment. Il s'agit de savoir comment, la
constitution des corps ayant ete ramenee a quelque chose d'incorporel,
peuvent naitre les elements, les elements physiques. Ils existent, ils
doivent se composer de general et de special, de matiere et de forme; or
on ne trouve nulle part dans l'echelle la place qu'ils doivent occuper,
ces elements anterieurs aux corps, puisqu'ils en sont les composants.
Au-dessus du corps cesse le corps; les elements seraient donc
incorporels et tomberaient dans la matiere premiere; comment
seraient-ils alors l'air, l'eau ou le feu? La difficulte vient
evidemment de la notion meme des elements. Si les scolastiques avaient
vu decidement que les elements, ceux des modernes comme ceux des
anciens, ne sont eux-memes que des corps, corps composants des corps
composes, Abelard aurait pu negliger l'objection, mais il est loin de
ces idees, et il repond:
Un corps individuel a une quantite donnee egale a sa matiere[84]. Les
formes qu'il est habile a recevoir, en s'ajoutant, n'augmentent pas les
quantites. Soit le corps individuel Socrate. La part de pure essence
appelee un universel, qui est en Socrate, se compose integralement d'une
essence qui peut se diviser en parties; ce n'est point la substance,
mais la susceptibilite des contraires; ces contraires l'_informent_,
et ainsi se produit telle ou telle essence substantielle. Or, cette
susceptibilite des contraires affecte aussi bien chacune des parties que
le tout. La part de pure essence dans Socrate est devenue un compose de
susceptibilite des contraires et de corporeite, et de la une certaine
essence corporelle. Mais aussitot que la corporeite affecte le tout,
elle affecte les parties, chacune a sa corporeite, et il se produit
ainsi autant d'essences corporelles. Puis enfin, l'animation advient au
tout et produit une essence de corps anime. Mais ici la scene change,
l'animation affecte le tout, non les parties; celles-ci, au contraire,
sont inanimees. De meme, la sensibilite, en affectant le tout, constitue
une essence d'animal; mais les parties recoivent d'autres formes qui
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