es historiens de la philosophie du XIIe siecle, placant
entre le conceptualisme que lui-meme professait et le nominalisme
de Roscelin, Abelard le Palatin, assigne au dernier une doctrine
intermediaire qui, procedant de l'un et conduisant a l'autre, a pu etre
successivement confondue avec tous les deux. On s'explique comment des
historiens posterieurs, entre autres Brucker, ont pu distinguer de la
doctrine d'Abelard le conceptualisme, qui, disait-il, _s'ecartait un peu
de son hypothese_[23]; tandis que d'autres ont fait du conceptualisme
l'hypothese meme d'Abelard et sont parvenus a l'en faire passer pour le
createur.
[Note 22: Voyez la critique qu'en a faite Meiners. (_De Nomin. ac Real.
init._--Soc. Gotting. _Comment_., t. XII, pars II, p. 31.)]
[Note 23: _Nominales, deserta paulo Aboelardi hypothese conceptuales
dicti sunt._, Brucker, _Hist. crit. phil._, t. III, p. 908.]
Quoi qu'il en soit, prenons pour convenu ce point historique, Abelard a
ete juge du parti des nominalistes; et, selon Jean de Salisbury, il ne
s'est distingue d'eux qu'en ce qu'il imputait a l'oraison ce qu'ils
attribuaient aux simples mots. Cette opinion n'aurait, suivant le
meme auteur, seduit Abelard que parce qu'elle etait la plus facile a
comprendre. Il aimait mieux, en effet, soutenir _une idee puerile, une
doctrine d'enfant, que se rendre obscur avec une gravite de philosophe_,
et, suivant le precepte de saint Augustin, il sacrifiait au desir de
se faire entendre, _serviebat intellectui rerum_[24]. Nous avouons
que cette fois il n'y aurait pas reussi avec nous, et la nuance de
nominalisme qu'on lui attribue nous parait insaisissable[25]. On
verra dans l'expose donne par lui-meme si ses sentiments ont ete bien
fidelement representes; lui aussi il a enumere et discute tous les
systemes contemporains, et, mettant le sien en regard, il s'est peint
lui-meme autrement que ses peintres; mais il n'est pas tres-facile a
reconnaitre.
[Note 24: Johan. Saresb. _Metal_., I. III c. i.]
[Note 25: Aucun auteur n'avait encore reussi a s'expliquer les
expressions de Jean de Salisbury, et a bien saisir la distinction qu'il
met entre Abelard et Roscelin. (Voyez entre autres Morhoff, _Polyhist_,
t. II, I. I, c. xiii, sec. 2.--D. Stewart, _Phil. de l'esp. hum._, c.
iv, sect. iii, et note 11.) Nous serions dans la meme incertitude, sans
le manuscrit que nous analysons au chapitre x.]
Ses traits ont deja ete esquisses. En parlant de la division, il nous a
|