realite immediate, quoique
mediatement elles soient fondees sur des realites. De la des equivoques
et des difficultes sans nombre. Les autres idees non sensibles dont
les objets se resolvaient moins facilement en realites, offraient un
caractere plus evident d'abstraction; c'etaient ces idees scientifiques
_d'etre, d'essence, de cause_, au lieu que les idees des genres et
des especes avaient une face changeante qui piquait la curiosite et
embarrassait la subtilite.
Or donc, tandis que les universaux avaient ete assez generalement pris
pour des conceptions formees en consequence plus ou moins eloignee
de l'existence d'individus reels, deux opinions presque absolues
se produisirent au moyen age. D'un cote, la doctrine de Platon,
imparfaitement connue, qui attribuait aux idees universelles des types
primitifs et des essences immuables, devint l'affirmation directe de
l'existence d'essences universelles subsistant dans les genres memes
et les especes; ce fut la le realisme. D'un autre cote, la doctrine
aristotelique, portant que la substance proprement dite est
necessairement particuliere, et qu'il n'y a point d'existence
universelle, quoique les universaux soient les conceptions generales
de realites individuelles, s'exagera a ce point de ne plus meme les
admettre a titre de conception, et outrant le principe du sensualisme,
elle les reduisit a de purs noms, _meroe voces, flatus vocis_. Ce fut la
le nominalisme.
Roscelin, et probablement Jean le Sourd, son maitre, traita de noms
et de mots, non-seulement les genres et les especes, mais tout ce
que l'ideologie appelle idees abstraites. Comme il n'admit que les
individus, il nia les touts et les parties; les touts, en tant que
formes d'individus, les parties, en tant que n'etant pas des individus
entiers; de sorte que pour lui des individus reels composaient des touts
imaginaires, et des parties imaginaires composaient des individus reels.
Ces exces amenerent l'exces de realisme ou tomba Guillaume de Champeaux,
du moins au temoignage d'Abelard. Il soutint qu'une seule et meme
essence existait dans tous les individus, dont la diversite dependait
tout entiere de la variete des accidents. Dans cette doctrine, la
diversite des sujets des accidents semble s'aneantir, et comme toutes
les especes, aussi bien que les individus, comme tous les genres, aussi
bien que les especes, tombent sous la loi commune de la conception
d'essence, cette doctrine, si elle a ete fidelement repre
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