ce qu'Abelard dit du nominalisme; mais c'est le cas de
rappeler ce que nous aurions bien fait peut-etre de reporter ici,
l'examen approfondi auquel il s'est livre de l'objection prise du tout
et des parties[64]. Il faut y remonter, si l'on veut bien connaitre
toute sa polemique contre Roscelin; nous n'en revoyons ici qu'une faible
trace.
[Note 64: Voy. _Dialect_., pars V, p. 460 et seqq. Et _De Gen. et
Spec._, p. 517, et dans la present ouvrage, c. vi, t. I, p. 454.]
Cette refutation du nominalisme est en effet breve et superficielle, et
quoi qu'en dise l'auteur, elle est plutot fondee sur des autorites que
sur la raison.
Un des arguments les plus forts est assurement celui-ci, un mot
(_animal_) ne peut etre la matiere d'un autre mot (_homme_). Mais qui ne
voit que c'est decider la question par la question? Si l'espece n'est
qu'un nom, c'est-a-dire rien qu'un nom, il n'y a pas lieu d'appliquer a
ce rien les conditions de l'etre et de lui supposer une matiere et une
forme. Ce n'est qu'a ceux qui regardent le genre ou l'espece comme
quelque chose, que cette question doit etre posee, et elle ne peut
embarrasser le nominaliste qu'autant qu'il conserve de la deference pour
l'autorite qui a dit que le genre est la matiere de l'espece et l'espece
celle de l'individu. C'est donc une objection d'autorite et non de
raison. Or, comment supposer que celui qui a pleinement et sciemment
adopte la theorie du nominalisme ne soit pas deja resolu a se peu
soucier des autorites?
L'autre argument, pris encore de l'autorite, plus fort par les mots
que parle fond, c'est que, d'apres les maitres, tout est substance ou
accident, et que les genres et les especes, n'etant pas des accidents,
sont des substances. Et en effet, Aristote les met au nombre des
substances. Mais ce sont des substances secondes, celles qui s'affirment
des premieres, celles qui leur sont attribuees ou _predites_. Elles sont
substances, parce qu'elles font connaitre les substances premieres.
Elles les manifestent, elles montrent ce que c'est, elles les donnent.
Qui ne voit que l'emploi du mot de substance dans cette occasion ne
decide rien quant a la realite substantielle des universaux; et qu'au
contraire il ne semble leur etre attribue qu'une realite derivee
de celle des substances premieres, c'est-a-dire individuelles? Les
substances premieres ou individuelles sont vraiment substances, en ce
qu'elles sont prises pour sujets ([Grec: upokeitai]) de toutes les
aut
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