est le genre[45]. Cela peut-il se
dire de l'individu? Socrate communique-t-il sa nature a Platon? L'homme
de Socrate, l'animal qui est en lui, est-il en un autre qui ne soit pas
Socrate, en quelqu'un hors de Socrate? Comment donc, si les individus
sont le genre, peuvent-ils mettre leur nature en commun?
[Note 45: Porph. _ibid._, et Boeth., p. 70.]
On vous repondra, en recourant a l'indifference (_ad indifferentiam
currentes_), que Socrate, en tant qu'homme, rassemble (_colligit_)
Platon et tous les autres hommes, puisque, sous ce rapport, il est
l'essence indifferente de l'homme, et par consequent de tous les hommes.
Ainsi, comme essence indifferente, Socrate est Platon.
Mais voici toujours Porphyre: "Le genre est ce qui s'affirme de
plusieurs differents en espece, l'espece ce qui s'affirme de plusieurs
differents en nombre[46]." Et alors, comme Socrate, _en l'etat_
d'animal, est un genre, il est inherent a plusieurs especes differentes;
en l'etat d'homme, il est une espece, et il appartient a plusieurs qui
different numeriquement. Or, comment soutenir que l'animal ou l'homme
qui est Socrate, soit inherent a un autre que lui-meme?
[Note 46: Porph. _ibid._, et Boeth., t. II, p. 60 et 72.]
Alors on vous dira que sans doute Socrate en aucun etat, c'est-a-dire a
quelque degre ontologique qu'on le place, n'appartient _essentiellement_
a personne qu'a lui; mais que dans l'etat d'homme, c'est-a-dire
considere comme espece _homme_, on peut dire qu'il est inherent a
plusieurs, parce que plusieurs lui sont inherents, comme non differents
de lui, comme indifferents. De meme, si on le prend comme animal. Ici on
se heurte contre l'autorite de Boece: "L'espece n'est pas autre
chose qu'une pensee collective qui se recueille de la ressemblance
substantielle d'individus qui different numeriquement. Le genre est une
pensee tiree de la ressemblance des especes[47]." Or, ceci ne s'accorde
pas avec la doctrine en question; Socrate, comme homme, est une espece
qui n'est pas recueillie de plusieurs, n'etant pas dans plusieurs; et de
meme pour Socrate pris comme animal. Faut-il donc admettre que Socrate
comme homme se recueille et de soi-meme et de Platon et des autres; que
tout individu soit, en tant qu'homme, recueilli de lui-meme? mais cela
est ridicule. Ce n'est pas l'individu qui rassemble les autres individus
ou les autres especes; c'est l'inverse. "Les genres et les especes ne
sont pas les concepts d'un seul individu, dit Boec
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