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Abelard conclut de ces objections, qu'il declare insolubles, que les
differences substantielles ne sont dans aucun predicament. "Elles ne
sont que de simples formes, n'etant en aucune facon composees de matiere
et de forme, puisqu'elles viennent dans la matiere du sujet constituer
une nature sans etre constituees par rien.... Je ne suis point conduit
la," ajoute-t-il, "par la raison seule." Et il essaie de s'accorder avec
Boece.
Maintenant il faut songer aux consequences. Un point important doit etre
evite: _restat grandis labor_, dit Abelard. Il faut prendre garde d'etre
force a conceder que la matiere de la substance soit un des genres
les plus generaux, savoir la categorie de la substance, et que la
susceptibilite des contraires, et en general toutes formes simples,
soient des especes. Ce serait une consequence grave, parce qu'alors la
matiere de la substance etant un genre, c'est-a-dire une essence, elle
en constituerait une autre avec la susceptibilite des contraires; a ce
point de l'echelle, au lieu d'un seul degre, il y en aurait deux, et la
substance, au lieu d'etre la derniere expression de l'etre, puisqu'elle
n'a au-dessus d'elle qu'un principe intelligible, un abstrait qui est
suppose sa matiere ou la pure essence, ne serait plus qu'une espece de
l'etre. C'est ce qui arriverait si l'on appliquait sans precaution la
theorie de la difference, et que l'on fit de la susceptibilite des
contraires, comme forme simple, une difference specifique.
Remarquez combien Abelard met de prix a retenir et a sauver les
caracteres de la substance; il s'en fait une grande tache, _grandis
labor_. Mais, dit-il, pourquoi la matiere de la substance parait-elle
etre un genre? parce qu'elle est attribuable a plusieurs d'espece
differente, d'essence differente. Elle appartient a plusieurs especes
dont elle est la matiere, elle peut etre concue de plusieurs especes
existant comme sujets; c'est-a-dire que les differents sens de la
definition du genre lui sont applicables. Mais il faut remarquer que,
dans dette definition, etre attribuable a plusieurs, c'est l'etre a
plusieurs especes prochaines ou immediatement subordonnees; or, la
matiere de la substance n'a point d'especes qui lui soient immediatement
subordonnees. Le corps et les especes qui viennent les premieres dans le
predicament de la substance, sont immediatement subordonnees a celle-ci,
a la substance la plus generale, laquelle n'est pas seulement la matiere
de
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